Portrait de Makers #79 : Maxime Gravet, Martin Duchêne & Roldan Descamps

Ingénieur mécatronique, designer industriel et bioingénieur en technologies environnementales, Maxime, Martin et Roldan étaient faits pour s’entendre. Ensemble ils ont fondé Mekanika et développent aujourd’hui des machines open source, intuitives et faciles à prendre en main dans le but de faciliter l’accès des communautés locales à des procédés de fabrication. Actuellement en campagne sur Kickstarter, ils lancent leur toute nouvelle machine « EVO », une fraiseuse numérique évolutive qui n’a pas fini de faire parler d’elle !

Qui êtes-vous ?

Nous sommes Mekanika, un projet né en 2017 qui s’est transformé en entreprise fin 2019. Notre objectif est de faciliter l’accès à des procédés de fabrication afin d’encourager les gens à créer localement et à réparer leurs objets.

On le fait de deux manières :

1) En développement des machines open source, intuitives et faciles à prendre en main.

2) En développant du contenu éducatif pour comprendre les procédés et utiliser les outils.

En tant qu’ingénieur mécatronique, designer industriel et bioingénieur en technologies environnementales, vos compétences sont multiples. Comment vous êtes-vous rencontrés et quels ont été vos parcours ?

On s’est rencontrés sur les bancs de l’école, dans notre ville natale d’Arlon (sud de la Belgique). Après nos secondaires, nous avons chacun fait des études dans des villes différentes et des domaines différents, puis nous avons travaillé chacun de notre côté (et même aux quatre coins du monde : moi, Maxime j’ai démarré ma carrière en Chine, Martin à Istanbul et Roldan à Rome).

Après de premières expériences, nous nous sommes retrouvés à Bruxelles, Martin et moi, et nous avons décidé de lancer un bureau de design et d’ingénierie. C’est dans ce cadre qu’on a construit nos premières machines DIY pour proposer des projets à nos clients. Par la suite, on a partagé un atelier avec Roldan qui était lui aussi venu habiter à Bruxelles et travaillait à l’époque sur un autre projet. À force de s’entraider et de parler de nos envies, on a fini par s’associer et lancer Mekanika.

En 2018 vous lancez Mekanika, une plateforme proposant des outils et des machines innovantes open source. Comment est née l’idée d’un tel projet, dans quel but ?

L’idée est vraiment née lorsqu’avec Martin, nous avons eu besoin d’accéder à des procédés de fabrication et nous avons décidé de fabriquer nos propres machines, car nous ne trouvions pas notre bonheur sur le marché ou n’avions pas les moyens de nous offrir les machines nécessaires.

À force d’y réfléchir, nous nous sommes rendu compte des similitudes qu’on pouvait retrouver entre différentes machines et du côté très modulaire de nos conceptions : on utilisait régulièrement les mêmes éléments de structure, les mêmes connectiques, etc.

On a commencé à rêver au développement d’une librairie complète d’outils et machines, complètement open source, en utilisant des composants universels pour permettre à n’importe qui d’y accéder. Roldan avait plus d’expérience en tant qu’entrepreneur et est venu nous aider à concrétiser cette idée, en la rendant possible financièrement tout en gardant nos valeurs de partage et d’ouverture.

Quel est le rôle de chacun au sein de Mekanika ?

On est tous très curieux et capables d’apprendre rapidement, donc on fait tous beaucoup de choses différentes. Sur l’opérationnel, on est tous les trois actifs et on s’est réparti les tâches, par exemple. Sur la conception, c’est plutôt Martin et moi, et je m’occupe aussi de tout ce qui est software ou web. Sur les aspects graphiques, c’est plutôt Martin et Roldan gère de son côté les aspects plus entrepreneuriaux : la gestion, les aspects financiers, mais aussi les contacts clients ou le marketing.

Quels sont les machines et les outils disponibles dans votre bibliothèque et qui peut se les procurer ?

Pour le moment, nous avons deux gammes d’outils : une en sérigraphie, pour faire de l’impression sur mesure, et une en fraisage numérique. Je dis gamme, car pour chaque procédé, nous essayons de développer un ensemble d’outils pour proposer des solutions clé en main.

Nos machines sont pensées pour être fabriquées à partir de composants standards et d’éléments de connexion qu’on peut réaliser dans un Fablab local (fraisage numérique, découpe laser ou impression 3D), ce qui rend ces outils très accessibles à mon sens.

Par contre, il est vrai qu’il faut avoir certaines connaissances techniques pour être capable de comprendre les plans ou pour réaliser les pièces sur-mesure, mais nous essayons de les rendre les plus accessibles possible. L’autre pendant de Mekanika et celui qui nous permet de nous financer pour continuer à développer des outils, c’est que nous vendons ces machines en kit, afin qu’il ne reste plus à l’utilisateur qu’à les monter.

Depuis le 2 février, votre nouvelle machine Evo est disponible en précommande sur Kickstarter. De quel type de machine s’agit-il et quels sont les atouts et les spécificités de celle-ci ?


Comme nous le disions, on a lancé une gamme de fraiseuses numérique : la première machine, la Pro, est destinée aux professionnels qui désirent faire de la production. Nous avons ensuite développé un modèle plus grand, pour pouvoir travailler avec des panneaux standards d’une traite : la Fab-XL. Néanmoins, durant toute l’année 2020, nous avons eu beaucoup de demandes pour un modèle plus accessible : des gens qui n’avaient pas envie ou pas la possibilité d’investir directement dans un modèle Pro, ou pas besoin de faire de la production intensive. Nous avons donc réfléchi longtemps à comment proposer une machine plus entrée de gamme qui sortait du lot, là où il y a beaucoup de concurrence. Et on a décidé de le faire de deux manières :

1) On a interrogé des utilisateurs de toutes les machines concurrentes pour comprendre ce qui les avait bloqués dans leur travail et leur utilisation. On a pris toutes ces remarques en compte et on les a intégrés dans ce modèle : contrôle plus facile et intuitif, machine plus compacte, plus grande modularité, fonctions avancées intégrées (équerrage, position automatique, palpeur Z, etc.).

2) On a aussi réfléchi au parcours d’un utilisateur de machine, et à la manière dont, quand il se développe, il doit souvent investir dans une nouvelle machine. C’est pourquoi on a décidé de développer une machine évolutive, qui puisse évoluer aussi bien en taille qu’en gamme. L’idée est de permettre des mises à jour de la machine, à la manière d’un logiciel, et de récupérer les composants inutiles après la mise à jour pour proposer des kits à moindre prix à destination du secteur éducatif et des associations.

Votre campagne a commencé sur les chapeaux de roues puisque à peine lancée vous avez atteint l’objectif de 25 000€. Comment expliquez-vous ce succès ?

Beaucoup de travail 🙂 La rapidité du succès nous a surpris autant que la plupart des gens, mais nous avons par contre passé plusieurs mois à mettre des choses en place pour faire de cette campagne une réussite : développement de partenariat avec des acteurs-clés comme Wikifactory ou Distributed Design, beaucoup de communication, raconter le processus de création de la machine, créer de l’envie et de l’attente, etc.

Quelles sont les prochaines étapes pour Mekanika ?

Après la campagne, nous allons finaliser la conception d’Evo et lancer la production, ainsi que créer tout le contenu open source et éducatif qui y est lié. En parallèle, nous avons à l’heure actuelle trois projets en conception qui devraient voir le jour dans les prochains mois : une tête laser adaptable sur nos fraiseuses, un kit de mise à jour pour notre presse à sérigraphie (passer d’une à quatre couleurs), ainsi qu’un tunnel de séchage pour la sérigraphie, qui nous a été demandé par nos clients qui ont le plus développé leur activité.

À partir de juin, nous avons un contrat avec un distributeur afin de proposer nos fraiseuses numériques en démonstration dans plus de 40 lieux en Europe. Après la livraison d’Evo cet été, nous allons sans doute nous pencher sur un troisième secteur d’outils à appréhender. Il y a donc de belles choses à venir en 2021 🙂

Jean-Marc Méléard
Nous serions ravis de connaître votre avis

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