Portrait de Maker #128 : Lucie Messager

Lucie Messager est diplômée en histoire de l’art et en histoire, des matières qu’elle a enseignées pendant 5 ans avant de se reconvertir dans la reliure artisanale. Elle est passionnée par les livres et souhaite les protéger et les embellir grâce à ce métier. Après avoir suivi une formation de 10 mois dans un atelier de reliure, où elle a également appris la restauration de documents et la fabrication de papier, Lucie a obtenu son CAP Art de la reliure en candidat libre. Depuis quelques mois maintenant, Lucie a créé son propre atelier « Reliure Messager » au sein de Comme un Établi à Rennes, où elle invite les gens à la rencontrer.

Qui es-tu ?

Je suis Lucie Messager, relieure de livres à Rennes.

Passionnée de livres et d’histoires, ton métier fait sens avec ces deux mots. Quel a été ton parcours et d’où te vient cet intérêt pour la reliure ?

Effectivement, le livre, l’Histoire et les histoires ont toujours été présents dans ma vie. Je suis passionnée de lecture depuis que je suis en âge de lire. Au lycée, je rêvais secrètement de faire un métier manuel mais j’ai pris le chemin d’un bac général poursuivi par des études supérieures, parcours plus sécurisant. À travers mes études d’Histoire de l’Art et d’Histoire, j’ai malgré tout toujours été contact avec des livres plus ou moins anciens. À titre personnel, j’en achète et je les dévore de manière assez compulsive.

Enseignante, je plaçais la littérature jeunesse au cœur de mon métier. Après 5 années d’exercice, j’ai eu la sensation d’avoir fait le tour du métier. Je me suis mis en disponibilité pour avoir le temps de réfléchir tout en effectuant un travail alimentaire à côté. Le déclic a mis un peu de temps à venir car je ne m’autorisais pas encore à rêver. Cette idée du travail manuel est revenue dans un premier temps par le biais de la maroquinerie. Cela n’a pas abouti et c’est enfin à ce moment-là que j’ai décidé de m’écouter et d’associer le travail manuel au livre et ainsi de me diriger vers ce métier qu’est la reliure.

Peux-tu nous présenter ce beau métier, et nous dire en quoi cela consiste exactement ?

Le métier de relieur existe depuis plusieurs siècles. Relier des livres c’est leur mettre des habits neufs si je paraphrase Dominique Doyard qui m’a formée. Elle travaille en couple avec son mari papetier dans le nord Finistère au Moulin de Kéréon. La reliure permet de protéger le livre et/ou de le mettre en valeur. C’est un long processus puisqu’il y a une cinquantaine d’étapes au total. Et surtout ces étapes peuvent être indépendantes dans leur but mais elles doivent être parfaitement exécutées pour pas que les défauts n’en soient accentués.

Comment devient-on relieur, quelles compétences et quelles machines sont nécessaires pour exercer ce métier ?

Officiellement pour s’installer en tant que relieur, il n’y a pas besoin d’avoir le CAP Arts de la Reliure. Dans les faits cela atteste d’un certain niveau de maitrise.

Quelques lycées forment encore à ce diplôme comme le lycée Tolbiac à Paris, le lycée Paul Cornu à Lisieux. J’ai préféré de mon côté passer le plus de temps possible dans un atelier pour apprendre la pratique, possédant déjà des connaissances en Histoire et Histoire de l’Art. J’ai passé le diplôme en candidat libre et je l’ai obtenu.

Concernant les compétences requises, il faut de la patience, de la minutie et de la rigueur, on travaille au demi-millimètre près et de la passion évidemment ! Des connaissances historiques sont également nécessaires pour dater une reliure.

Les principales machines n’ont pas vraiment évolué depuis quelques siècles, tout atelier de reliure possède une presse à percussion, un étau et des cisailles à carton et papier.

Quels sont les différents types de reliures et quelles sont leurs spécificités ?

Le montage technique de la reliure diffère peu depuis le XVe siècle, on parle alors de la reliure traditionnelle à la française ou de la reliure passée-carton.

Quelques siècles plus tard, la reliure Bradel qui à l’origine était une reliure provisoire, fait son apparition. Elle se caractérise par l’espace laissé entre le mors (qui est la jonction entre le dos et les plats) et le carton qui s’appelle la gorge. Elle permet d’ouvrir plus facilement le livre. Comme on s’en rend compte, il y a un lexique bien précis pour désigner chaque élément du livre et les étapes pour le relier.

Puis la reliure emboitée qui se caractérise comme étant plus sommaire que les précédentes et qui reprend la reliure industrielle du XIXe siècle. Elle consiste à coudre le corps d’ouvrage et à réaliser la couvrure de manière totalement séparée pour ensuite emboiter le corps d’ouvrage dans la couvrure.

Ce n’est qu’au XXIe siècle que des innovations vont avoir lieu dans ce domaine avec par exemple la reliure à plat rapporté, la reliure à mors ouverts…

Les reliures se distingueront par leur époque, leur commanditaire, leur décor…

Quels matériaux utilises-tu ?

J’utilise beaucoup de matériaux diversifiés. Il y a tout ce qui concerne les papiers : papiers pour les pages de gardes, papiers japonais pour les réparations, papiers assez fins pour les onglets, papier artisanal, papiers marbrés et bien d’autres ; mais aussi différents types de colle : colle d’amidon ; Tylose, colle vinylique…   et pour la couvrure des livres : des toiles plus ou moins épaisses, du papier fait main, du papier mécanique et des peaux de chèvres (chagrin, maroquin, oasis), buffle, veau…

Depuis quelques mois, tu as fondé ton propre atelier « Reliure Messager » au sein duquel tu animes et donnes des cours. À qui sont destinés ces temps d’apprentissage ?

Actuellement, je donne des cours d’initiation à la reliure japonaise et la reliure copte qui sont des reliures assez simples à mettre en œuvre avec peu de matériel, du papier et du fil principalement. Elles sont assez à la mode et ludiques et à destination de tout public. Je propose également des ateliers dans des écoles, des collèges ou des workshops dans des écoles d’art supérieurs. Bientôt aura lieu la mise en place d’ateliers de reliure française plus classique au sein même de mon atelier.

Qui sont tes clients et sur quels types de livres es-tu amené à faire valoir ton savoir-faire ?

Le panel de mes clients est assez vaste, ça peut aller du bibliophile à des institutions comme les Archives, les bibliothèques mais également des communes qui ont l’obligation de relier leurs registres d’état civil et de délibérations. Les particuliers eux, viennent me voir pour un livre qui a une belle mise en page, qui peut être numéroté ou parce qu’il a une valeur sentimentale.

Je réalise également des livres d’or, des albums photos ou encore des carnets. J’ai également des demandes plus atypiques, récemment un photographe m’a contactée pour fabriquer une boîte à tirage photos sur-mesure.

Sur quoi travailles-tu en ce moment et quels sont tes projets futurs ?

En ce moment je travaille sur la restauration d’un livre du milieu du XIXe siècle dont il faut refaire le dos à nerfs et un tout autre projet puisqu’un passionné d’une dessinatrice de mangas m’a contacté afin de réaliser un art book de cette même artiste. Pour suivre les différents projets en cours, il y a mon compte Instagram Reliure Messager ainsi que mon site web reliuremessager.fr.

Jean-Marc Méléard
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