Portrait de Maker #97 : William Aumand

Globe-trotter et amoureux du pays de Fougères, William Aumand est depuis 3 ans le fabmanager du FougèresLab, le fablab de Fougères qui est implanté au coeur de la médiathèque de Fougères. Oeuvrant au quotidien pour accompagner les adhérents qui souhaitent développer un projet, William désire plus que tout mettre en place un réseau de différents fablabs ruraux proches des Marches de Bretagne afin de mutualiser les compétences et ainsi améliorer la qualité des services dans l’intérêt des usagers et des territoires.

Qui es-tu ?

Je m’appelle William Aumand, j’habite près de Fougères et j’y suis Fabmanager depuis 3 ans au FougèresLab, fablab de Fougères Agglomération.

J’ai fait tout mon possible pour que nous ayons un espace de fabrication numérique sous la forme d’un service public qualitatif qui permettra de combler le besoin des habitantes et habitants locaux tout en attirant de futures personnes à venir s’installer et s’épanouir sur notre territoire.

J’ai pas mal voyagé pour mon âge mais, le bassin fougerais est un lieu formidable où je souhaite m’investir. Dans ce territoire rural, j’aime la qualité de vie, d’air, d’espace et de services. Fougères reste une ville à taille humaine, c’est un plaisir au quotidien, on s’y sent bien et le confinement a pu confirmer cela.

Et puis nous avons probablement le meilleur snack-burger de Bretagne, mais je vous laisserai le découvrir en venant nous voir 😉

Passionné par la fabrication numérique tu es le fabmanager du Fougèreslab à Fougères. Quel a été ton parcours et d’où te vient cet intérêt pour l’univers des Fablabs ?

J’ai commencé par une filière littéraire et artistique, pour travailler dans le cinéma. Je suis passionné depuis tout petit sur tout ce qui est bidouille informatique, optimisation et hack, mais également les jeux vidéo et les nouvelles technologies. Pour autant je ne pensais pas en faire mon métier. La vie a fait que j’ai travaillé en informatique dans une entreprise mais le management de l’époque et le profit à tout prix faisait que l’informatique devenant secondaire dans mon métier.

Pour retrouver du sens à mon épanouissement professionnel, je me suis reconverti sur des études dans les sciences de l’Education avec un master en Ingénierie Technologie pour l’Education et de la Formation​. J’ai accompagné aux usages numériques le 1er College Connecté de Bretagne à St Brieuc, puis j’ai été professeur de Technologie et responsable informatique en collège à Fougères.

Je connaissais les fablabs durant mes études et à Fougères cela me manquait. Dès 2015, j’en ai parlé autour de moi et par de longues étapes j’ai fini par taper à la bonne porte. L’association Pays de Fougères, très active sur le territoire et porteuse de projets, avait en effet la possibilité de recevoir des subventions européennes pour le déploiement sur notre territoire d’un tiers-lieu numérique. La création d’un fablab avait tout son sens.

J’ai participé activement au montage du projet et à sa communication auprès des partenaires. J’ai pris des risques en quittant l’enseignement pour postuler au poste de Fabmanager en CDD via l’association mais j’avais envie d’aller jusqu’au bout du projet que je savais d’avenir pour notre territoire. C’est difficile de lâcher prise quand cela fait 4 ans qu’on milite pour l’ouverture d’un tiers-lieu dans sa ville.

J’ai pu rencontrer les bonnes personnes, qui ont soutenu le projet, et pour n’en citer qu’une parmi tant d’autres : Delphine Pointeau, directrice du réseau des médiathèques de Fougères Agglomération, qui m’a ouvert la porte de sa médiathèque pour me trouver un petit local de 33m2 mais avec une bonne visibilité dès l’accueil de la médiathèque.

Ce lieu a permis de concrétiser le projet et d’inaugurer le tout premier fablab du territoire du pays de Fougères.

Inauguré en 2019 à la médiathèque de Fougères, le Fougèreslab est ouvert gratuitement à tous. Qu’apporte un tel lieu au sein d’une médiathèque, quels sont ses atouts ?

Qu’une association dynamique puisse exercer un projet au sein d’un bâtiment appartenant à la collectivité territoriale n’est pas évident. L’équilibre entre la souplesse de l’association, l’agitation et les nombreux projets d’un fablab peut faire contraste avec la gestion plus lente et structurée qu’on retrouve en collectivité territoriale.

Les premiers mois n’étaient pas si évidents, déjà pour le bruit, les déplacements et les odeurs qu’on génère dans un fablab, il a fallu montrer patte blanche et faire des concessions pour justifier sa légitimité. Mais le temps fait naturellement son travail et apaise les relations. Le fablab devient un espace à la fois autonome et à la fois intégré dans les activités de la médiathèque. On s’apporte mutuellement avec la venue d’un nouveau public en médiathèque qui va enrichir la fréquentation, et on permet à la médiathèque de développer le côté tiers-lieu et « média » très recherché de nos jours dans ces espaces.

Comment accompagnes-tu les adhérents qui souhaitent développer un projet, quelles ressources sont mises à leurs dispositions ?

Pour accéder au FougèresLab en tant que particulier il faut la carte de médiathèque, elle est gratuite.

Nous sommes ouverts en OpenLab mercredi et samedi. Qui dit OpenLab dit autonomie des usagers. Mais nous sommes dans un fablab en médiathèque où l’entraide et l’accompagnement font partie du processus d’autonomie. Pour autant, nous ne faisons pas à la place de l’usager, c’est à lui de s’impliquer et d’apprendre à utiliser les machines. Nous avons mis en place quelques tutoriels et nous répondons à toutes les questions. Pour faciliter l’apprentissage collectif et l’adhésion d’autres usagers nous avons un serveur Discord, comme un forum, qui permet aux usagers de s’entre aider et de se donner rendez-vous au fablab pour avancer ensemble.

Pour des usages plus encadrés et plus ludiques nous avons mis en place un programme d’animations chaque mois.
Pour les professionnels, scolaires, institutions et associations, moyennant tarification nous permettons mardi, jeudi et vendredi de réserver mon ingénierie au fablab ou en itinérance. En effet, j’apprécie me déplacer pour vulgariser les usagers du numérique. Cela peut être sur la forme d’ateliers, de team building, ou de conférences sur des sujets qui me passionnent, et cela me sort de mon petit local !
L’association a fermé et le fablab a été transféré à Fougères Agglomération le 1er janvier 2021, par conséquent nous sommes désormais un vrai service public en collectivité territoriale. Ce portage de projet permet de structurer et de pérenniser le lieu tout en améliorant la qualité du service public. Cependant, nous sommes un peu des ovnis dans la fonction publique territoriale.

Quelles difficultés rencontres-tu au quotidien ?

Le local est petit et ce n’est pas évident tous les jours. J’ai dû me creuser la tête pour l’aménager et l’optimiser. Je renouvelle mon parc sans pouvoir rajouter trop de fonctions. Il faut être malin, optimiser et garder le fablab bien rangé, et heureusement ont un local de stockage. Le lieu devait être temporaire mais cela dure et donc on doit faire des concessions comme ne pas utiliser de fraiseuse CNC (trop bruyante et trop poussiéreuse). Notre découpeuse laser c’est vraiment la machine limite, mais elle me parait essentielle dans un fablab.

On a aussi appris à utiliser l’avantage du patio communiquant avec notre local pour travailler le bois ou la fabrication de gros projets sans prendre toute la place du local.

On est dans une médiathèque, toute faite en verre, c’est esthétique mais ça résonne donc nous devons faire attention au volume sonore quand le fablab tourne à plein régime, nous avons trouvé un équilibre désormais mais parfois il faut se rappeler où nous sommes pour que cette intégration réussie ne redevienne pas de la cohabitation.

Nous avons souvent la disponibilité des machines et si besoin je m’arrange avec les usagers locaux et les bénévoles pour que tout le monde partage et ne mobilise pas une machine qui serait ponctuellement très demandée. Sauf que la gratuité et la facilité d’utilisation attire des publics loin de notre territoire rural et la majorité ne partageront pas en retour, ils consomment. Cela parfois nous joue des tours. Par exemple, nous avons eu le rush des étudiants en écoles d’architecture et des personnes en région parisienne qui trouvaient plus rentable de venir en voiture à Fougères pour faire leur prototype ou d’utiliser des machines spécifiques comme la thermoformeuse.

Le transfert du fablab vers Fougères Agglomération a été fait assez précipitamment et nous sommes rattachés au service Développement Economique. C’est une opportunité de développer le travail avec les entreprises même si actuellement nous avons plutôt des artisans et petites entreprises. Ce sont surtout des usagers grand public qui représentent la majorité de la fréquentation du lieu.

Les autres fablabs en médiathèque sont rattachés au service Culture et sont gérés par des agents de la médiathèque, l’intégration, la fluidité des procédures et les objectifs sont facilités quand tout est géré dans le même bâtiment et le même service.

Mais c’est aussi un défi, voir comment on peut utiliser ce fonctionnement hybride pour créer de nouvelles choses et améliorer l’interaction avec d’autres services. Cela permet aussi d’éviter un repli sur soi-même.

L’autre difficulté que je rencontre avec ce transfert vers notre collectivité territoriale c’est que je dois gérer seul toute la partie administrative et comptable et que les procédures en administration publique sont bien plus longues et complexes que dans une association. Sauf que ces heures supplémentaires n’ont jamais été évaluées lors du transfert de contrat… J’aimerais qu’un collègue puisse m’aider et comprendre ce que je fais mais pour l’instant le fablab est un ovni et il est évident qu’il finira par être mieux intégré.

En parallèle je développe le fablab itinérant, de nouvelles animations plus techniques et un meilleur accompagnement des entreprises, tout en permettant le plus de jours d’ouverture au public. Sauf que cet investissement prend du temps. Quand je prends des congés je dois fermer le local, si je suis malade, personne ne peut me remplacer même à l’accueil… et je dois davantage communiquer ensuite pour rattraper la baisse de fréquentation liées à la fermeture, la solution serait d’embaucher quelqu’un pour ne pas rester seul dans mon service mais en collectivité territorial c’est parfois difficile à faire entendre ce besoin même si j’ai bon espoir que les lignes bougent chez nous car c’est le cas sur d’autres territoires qui ont des problématiques similaires.

Si tu devais choisir une machine coup de coeur parmi le parc du Fougèreslab, qu’elle serait-elle et pourquoi ?

C’est difficile de choisir une machine coup de coeur car quand on est maker on apprécie beaucoup de choses.

Je fais de l’impression 3D depuis 8 ans, je suis assez perfectionniste ce qui explique que nos profils d’impressions 3D sont propres au FougèresLab et qu’on peut parler qualité avant de parler quantité.

Pour autant, si je devais choisir une machine coup de coeur c’est la petite découpeuse laser Beamo de Flux qui a rejoint notre grande découpeuse laser Robotseed. La Beamo permet seulement des découpes en A4 mais elle est transportable dans le coffre d’une citadine tout en ne faisant aucune concession sur la qualité. En plus de la mobilité elle est facile d’utilisation, moderne et facile d’entretien. Cette découpeuse laser est très pratique pour notre fablab itinérant.

Quels sont tes objectifs pour les mois à venir ?

Fougères Agglomération propose également un bel espace de coworking appelé le FIL, nous ne sommes pas dans le même bâtiment mais nous sommes accessibles à moins de 10 minutes à pied. Nous réfléchissons donc à développer les interactions et l’offre que nous proposons pour aider les jeunes entreprises à se lancer. Un Fablab est un lieu formidable pour incuber des prototypes et de nouveaux projets.

Nous avons fait un constat réaliste, nous ne partageons pas toujours le quotidien des fablabs en métropole, tout ce qui est labélisation type French Tech ne nous parle pas car nous n’avons pas le même public, pas le même quotidien, et donc un métier parfois assez différent. On est conscient que les responsabilités du « Fabmanager » varient beaucoup d’un poste à l’autre. Certains gèrent l’administratif, certains travaillent en équipe, certains s’occupent de la communication et la gestion du site Internet, de la maintenance, de créer du nouveau contenu, etc. Au FougèresLab, le Fabmanager fait et gère vraiment tout.

Nous partageons un point commun en zone rural c’est globalement un budget limité, peu de salariés ou beaucoup de bénévolat. Et le public et l’ambiance solidaire qui en ressort nous permet de faire facilement des fablabs ouverts et communicants.

Il existe le Réseau Français des FabLab avec qui on peut échanger sur nos pratiques mais on ressent le besoin avec d’autres fablabs environnement de se rencontrer.

C’est pour cela qu’on a prévu de mettre en place un réseau de différents fablabs ruraux proches des Marches de Bretagne. Donc jusqu’aux départements voisins, avec une réunion trimestrielle dans un fablab différent, l’idée serait de mieux apprendre à se connaitre et de partager nos différences et ainsi s’entre aider à évoluer pour améliorer la qualité de nos services dans l’intérêt des usagers et de nos territoires.

Se réunir à chaque saison c’est aussi l’occasion conviviale de se faire un repas en commun, à commencer par la raclette en hiver !

Jean-Marc Méléard
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