Passionné par le dessin, la musique et le numérique, Sashi Juganaikloo alias Sashi Mee est un techno-artiste qui explore les possibilités offertes par le virtuel. Professeur de fondamentaux et de 3D, mais aussi consultant technique et artiste numérique, Sashi ne cesse de créer des univers. Parmi ses créations, « Music Mind », un jeu vidéo qui se joue à deux : l’un créé l’univers avec un instrument de musique, l’autre joue dedans.
Qui es-tu ?

Je m’appelle Sashi Juganaikloo, mais je suis plus connu sous le nom Sashi Mee. Je suis un techno-artiste parti à la conquête des questions existentielles qui s’offrent à nous.

Diplômé de l’École centrale de Nantes, tu es aujourd’hui Professeur de fondamentaux et de 3D chez EEGP, consultant technique et artiste numérique. D’où te vient cet intérêt pour les nouvelles technologies et où puises-tu ton inspiration pour créer ?

Certains naissent dans les fleurs, d’autres dans les choux… moi je suis né dans une tour de 286 !

Mon père toujours une boîte informatique, il faisait des logiciels pour les écoles et du contrôle d’accès (les cartes pour aller au self, il avait même fait ça avec les empreintes digitales il y a 20 ans !)

J’ai toujours été fasciné par les possibilités offertes par le virtuel. Quand j’étais petit, chaque nouveau jeu (des sharewares sur les CD de DP-Tools) était l’opportunité d’explorer un nouvel univers et les limites qui lui avaient été décrits.

Après des années à explorer des mondes réels divers ( tour du monde, lieux alternatifs…) à la recherche de sens et d’humain, aujourd’hui, je dirais que c’est plutôt les possibilités incroyables offertes par les outils modernes qui me motivent.

Le dessin, la musique et le numérique ont une part importante dans ton travail. Comment expliques-tu cela et comment fais-tu pour concilier les trois ?

Dessiner, c’est utiliser des outils pour produire une illusion d’apparence, qui provoque forcément une réaction chez le spectateur / celui qui pose les yeux dessus.

Faire de la musique, c’est utiliser des outils pour produire une vibration sonore, qui est automatiquement interprétée par les processus auditifs de celui chez qui le son tombe.

Le son et la lumière, au fond, c’est la même chose : une vibration de l’espace-temps, juste à des fréquences différentes ! On a des capteurs spécialisés pour chacune de ces longueurs d’onde et cela provoque en nous des sensations spécifiques et complémentaires.

Le numérique est un outil formidable lorsqu’il est bien utilisé. J’aime particulièrement le fait qu’en prenant le même temps que pour sculpter ou peindre un chef d’oeuvre, une construction numérique peut (presque) prendre vie ! C’est fascinant !

Tu développes actuellement le jeu vidéo Music Mind. Peux-tu nous dire de quoi il s’agit et quelles sont ses spécificités ?

Pour résumer : Music Mind est un jeu qui se joue à deux : l’un créé l’univers avec un instrument de musique, l’autre joue dedans.

Pourquoi ?

Toute ma vie j’ai cherché à faire se rejoindre l’image et le son. Quand je suis parti faire le tour du monde, appareil photo à la main, j’assemblais les photos et petites friandises visuelles en des clips montés sur des musiques que j’aimais bien. En rentrant, j’ai continué dans la vidéo, j’ai fait des clips, des captations live, des effets spéciaux… C’était passionnant, mais ça ne me convenait pas : j’aime créer, assembler des choses pour leur donner une forme inédite et séduisante ; mais tout le travail derrière une vidéo est largement ignoré par ceux qui la consomment, et ce n’est généralement que lorsque c’est mal fait que l’on se rend compte qu’il y a du travail derrière. (ex : effets spéciaux, cadrage, son…).

Bref. Mes instants de vie préférés ont été sur scène, en partage direct avec d’autres musiciens et un public qui danse sur notre création. (J’ai fait beaucoup de Jams (Boeufs en français) où l’écoute est le salut de la virtuosité).

J’ai aussi réalisé l’importance de la lumière lors d’un concert où elle manquait cruellement.

Ainsi, au premier confinement, j’ai posé la première brique de Music Wind : un pont entre deux ordinateurs, l’un qui fait du son (avec Ableton dans mon cas) et l’autre qui génère des visuels en fonction des notes (MIDI ou OSC) jouées (avec l’Unreal Engine). De cette façon, il est utilisable pour accompagner visuellement un artiste musical  sans trop perturber son installation.

Comme c’est en quelque sorte un jeu vidéo dont la « manette » est l’instrument (ou les instruments) de musique, il est possible d’utiliser une « manette » pour que le public puisse interagir avec l’univers créé par les musiciens. J’ai donc utilisé une manette pour contrôler un petit vaisseau qui se balade dans l’univers et récolte des objets pour marquer des points. Mais dans une configuration de concert, il serait tout à fait possible de faire en sorte que ce soit les mouvements de la foule qui servent de contrôleur !

Le week-end dernier tu as participé à la cinquième édition de l’événement Nantes Maker Campus. Que représente pour toi le mouvement des Makers et quel a été ton ressenti en tant qu’exposant ?

Pour moi, les Makers sont des gens qui savent faire des choses, que ce soit par recherche ou par (dé)formation professionnelle, et qui font quelque chose de ce qu’ils savent faire. C’est naturel, quand on a un savoir-faire, on a envie de le mettre en pratique !

J’ai vraiment apprécié les univers et la créativité omniprésente lors du Nantes Maker Campus ! C’était un plaisir de rencontrer des gens passionnés, des partenaires dans l’exploration conjointe de ce monde hypercomplexe, qui ont pris des chemins différents et nous livrent le fruit de leurs distilleries !

J’y ai fait de belles rencontres, de beaux échafaudages de projets, de grandes discussions, avec les Makers mais aussi avec les visiteurs !

Si je devais retenir deux rencontres qui m’ont particulièrement marquée lors de cette édition : Mik, la compagne de Geert (Automata Carrousel) , avec qui on pourrait aller encore plus loin; et JB & Mary, un duo de joueurs qui m’attendaient sur mon stand pour essayer mon jeu : ils adorent jouer ensemble, et Mary étant aveugle, un jeu où l’on contrôle le monde avec le son est une aubaine pour eux !

Que des belles rencontres !

Un grand merci à JB & JM pour ce havre de paix et d’échange !

Quels sont tes projets pour les prochains mois ?

J’ai promis à ceux qui ont fait un score sur le jeu une version téléchargeable pour PC.À l’heure actuelle, elle nécessite deux ordinateurs et une configuration assez complexe pour fonctionner.

Il faut que j’intègre la partie son directement dans le jeu pour qu’on puisse y jouer à deux sans avoir besoin de tout ça (le clavier servira de pad musical, la manette pour contrôler le vaisseau).

Côté gameplay : j’ai peaufiné plusieurs choses pendant le NMC, mais j’aimerais faire que le vaisseau se pilote avec des vrais réacteurs et de la physique (poussée, inertie…) pour jouer véritablement en 3D (contrairement à maintenant où on bouge à plat, plutôt comme une voiture télécommandée) !

Côté visuel : d’autres tableaux / mondes sont à imaginer.

J’ai beaucoup d’autres projets sur le feu alors les deux derniers points risquent d’attendre / être conditionnés par les priorités. Il faut que je finisse mon prototype de douche infinie (IRL) et mes moules à recycler le papier / carton !

On verra ce que j’aurais eu le temps de faire d’ici l’Angers Geekfest ! 🙂

Pour en savoir davantage sur le travail de Sashi Mee, c’est ici.