Laurent a vécu plusieurs vies avant d’en arriver à la coutellerie. Après avoir appris la cuisine à la fameuse école Ferrandi, fait son trou dans le milieu du spectacle, en tant qu’organisateur, musicien depuis peu ou même acteur au cinéma et à la télé, reprit un pub concert, la Taverne Gambrinus, à St Michel sur Orge, Laurent s’est lancé en 2020 dans la coutellerie, pour fabriquer ses propres schlass avec le souci du beau, de l’authentique. Il nous raconte son parcours, ses rêves et ses projets.
Qui es tu, Laurent ?
Je suis issu de la restauration au départ, j’ai fait l’école Ferrandi, une machine à fabriquer des gagnants de Top Chef, puis bossé dans des restos étoilés, chez des traiteurs parisiens …
En 2004, j’ai eu l’opportunité de racheter le pub concert ou j’allais gamin, à St Michel sur Orge (91), que je tiens encore, sachant que j’avais déjà des affinités avec le milieu punk & rock’n’roll (bénévolat mais également tromboniste ska punk ..). L’occasion de se faire un gros réseau de musiciens depuis une bonne vingtaine d’années.
Parallèlement à ça, je fabriquais des couteaux, pour moi d’abord, car en tant que cuistot, j’avais envie de me faire des trucs à ma main, sur mesure, et ça m’excitait de travailler le métal et tous les autres matériaux, l’idée étant de faire du beau, mais efficace.
D’où te vient cette passion pour le schlass / la coutellerie ?
Ma mère me raconte qu’à 4/5 ans, je mettais déjà des bouts de ferraille dans le barbecue et je tapais dessus, y’a peut être un petit syndrome Astérix qui s’est développé, de par le cinéma, les bds (rires).
Après, faut dire que je suis quelqu’un de très manuel, créatif et bricoleur, par exemple, j’ai fabriqué une maison en bois de mes mains.
Pour le couteau, c’est quand même venu à travers la cuisine sans doute, comme je te disais l’envie de me fabriquer mes propres outils pour cuisiner.
Tu as un parcours assez atypique et diversifié, on à l’impression que tu as vécu plusieurs vies, mais plusieurs vies complémentaire, non ?
D’autant que j’ai fait pas mal d’autres choses. Notamment de la figu dans le milieu du cinéma / séries françaises, même s’il faut bien dire qu’hélas, les rôles récurrents étaient assez clichés, genre taulard ou videur, donc ça va 5 minutes (rires).
Mais oui, tout est effectivement complémentaire dans le sens ou y’a tout un univers, on se nourrit de tout ça, j’ai été bercé aux westerns, à la dernière séance que je partageais avec mon père. Je suis pas trop intéressé par les matériaux modernes, mais plutôt attiré par tout ce qui est bois, laiton, cuir, cuivre ..
Pour en revenir aux schlass, as tu une préférence pour un type en particulier et pour quelles raisons ?
J’aime bien les couteaux à tout faire, à la fois utilitaire, pour manger, pour bricoler, pour les activités natures, un bon couteau qui va faire 22/23 cms, qu’on porte à la ceinture et qui est facilement transportable, qui servira en cuisine également.
En ce moment, on surfe sur la mode des couteaux bushcraft avec tout un tas de mot un peu marketé qui vont avec, alors que quand j’étais gamin, on allait dans les bois à coté des Ulis, et on faisait des cabanes, avec tous des couteaux dans la poche, sans passer par les idées de bushcraft, de survivaliste et compagnie .
Quel est le profil de tes clients ?
Il faut savoir que c’est vraiment un truc de passionné, c’est clairement un marché de niche, y’a peu de gens qui se paye des couteaux d’artisans, c’est d’ailleurs un problème de justifier nos prix, alors que sur une grosse pièce, j’y passe 2 jours, donc forcement, ça a un certain prix, mais si on ramène au taux horaire, c’est pas terrible, même si c’est pas très grave, car quand t’es passionné par ce que tu fais, tu regardes pas la pendule.
Bref, y’a plusieurs types de clients : des purs collectionneurs qui vont garder les couteaux en vitrine, des cuisiniers pros ou particuliers, qui ont envie d’avoir un bon outil pour cuisiner, voire plusieurs, (avec 3 couteaux, tu arrives a faire a peu près tout : un petit, un gros, un éminceur pour trancher assez finement), et des passionnés d’outdoor, des pêcheurs, des chasseurs, des campeurs, des randonneurs, qui cherchent un outil vraiment utile, avec des contraintes de poids dans ce genre de cas sachant qu’on fabrique aussi nos étuis avec ma chérie, histoire que ce soit pratique à transporter.
En parlant de transport, peux tu nous parler de ton sidecar shop ? (quel enchainement !!)
C’est une idée que j’avais depuis longtemps, j’avais vu ça dans le sud, un mec qui avait un café mobile, avec la marque italienne de prestige Barista.
Il arrivait dans des fêtes de village, tout logeait dans son side, il déballait, il faisait des super cafés sur le side car, (le même que le mien, un Ural, une marque soviétique, on y reviendra plus tard).
Je trouvais le visuel génial, qui plus est, je suis également un passionné de moto, motard depuis mon plus jeune age, pour ça qu’on est aussi amené à exposer les couteaux sur des rassemblements motos.
Ça résume bien mon univers, on s’est aussi aperçu que juste avant guerre, y’avait des maréchaux-ferrants qui se baladaient de clients en clients avec tout l’atelier installé à la place du panier, notamment la forge, on s’est mis dans cette esthétique la et puis le side que j’ai choisi, est de conception soviétique, comme je te disais, un Ural, et esthétiquement, il n’a pas bougé depuis les années 50. Un coté bien rock’n’roll qui me plait bien, et le fait que ce soit soviétique, c’est un clin d’œil à mes grand parents qui étaient résistants et militants PC a l’époque ou ça avait du sens, car ça signifiait un certain espoir
Comment transmettre aux nouvelles générations un savoir-faire ancestral, le goût de l’authentique ?
J’ai deux gamins qui ont 10 et 12 ans, je pense que c’est clairement une question d’éducation et de sensibilisation des jeunes, leur montrer que le beau existe.
Tes enfants s’intéressent à ton travail par exemple ?
Oui bien sur, ils ne s’intéressent pas qu’à ce que je fais mais au beau en général, je les ai trimballé de festival en festival, mon fils, à 4 ans, il dansait sur scène avec les Ramoneurs de Menhirs, avec sa petite crête, c’est leur truc tout ça.
À travers les instruments de musique, y’a aussi une beauté dans les matériaux. En fait, j’ai une vision assez globale de l’art, ça peut être aussi bien le décor, que le chant, que la musique, la comédie, la peinture, tout ça, ça se rejoint dans une esthétique globale, donc les mômes, si tu les sensibilise à ça dès leur plus jeune age, naturellement, ils vont aller vers le beau.
Puis sans les frustrant en leur interdisant quoi que ce soit, c’est aussi leur expliquer que quand ils achètent un truc un peu merdique chez Gifi et que c’est cassé au beau d’une semaine, car pas beau, ni solide, bah ça file à la poubelle, ça pollue un peu plus, bref, faut jouer la sensibilisation …
Tu organises des stages d’initiation à la coutellerie, tu peux nous en dire plus ?
On organise très modestement, car en tant que pro, je ne suis installé que depuis 2 ans, de l’initiation à la coutellerie. Je n’ai pas vocation à former les gens au CAP, vu que je ne l’ai pas moi meme (rires), je me suis formé en autodidacte, en suivant parfois quelques stages pour avancer. C’est ce que je suggère à ceux qui veulent se lancer la dedans, car déjà en 3/4 jours, on va bien dégrossir le truc, avec pas mal d’astuces.
Donc, on organise sur plusieurs journées, les gens viennent et font leur couteau, on les accueille a la maison, on échange pas mal autour de ça et autre, et puis, ça leur permet de découvrir un peu le métier, sachant qu’en plus, en ce moment, on a la chance de surfer sur l‘émission américaine « le meilleur forgeron » diffusé sur C17. Beaucoup de gens nous parle de cette émission, c’est un peu ambiance Top Chef, mais c’est pas mal, car ça donne une bonne visibilité sur notre métier. Vivement qu’arrive la version française ! (rires)
Tu l’as regardé ? Tu te retrouves dans l’émission ?
Ouais c’est ps trop bidon, même si y’a des choses que clairement, je sais pas faire, ou qui m’intéresse pas, genre fabriquer une épée des Templiers, c’est pas mon truc, et j’ai pas l’outillage, mais oui, y’a une culture américaine du couteau custom, du couteau artisanal, qu’on a en France depuis peu de temps, mais aux Etats Unis, c’est depuis toujours. Y’a donc un marché important qui est juste balbutiant en France, donc si cette émission peut mettre en valeur notre travail, dans sa complexité et dans le temps que ça prend, ça peut permettre aux gens de se rendre compte de ce qu’ils achètent
Quels sont tes projets en cours ou à venir, en dehors de venir au Nantes Maker Campus, bien sur ?
D’abord, on est ravi de venir à Nantes car c’est une région qu’on aime beaucoup, à travers la musique, les concerts, un public très sympa et accueillant.
Dans mes projets, y’a un truc qui me plairait bien, mais faut que je finisse de conceptualiser ça, ce serait fabriquer une remorque qui serait attelé par le side car et d‘en faire un mini atelier mobile, qui permettrait sur les évènements de faire de la démo, de forger un petit peu.
Faut juste que je la trouve et la fabrique, mais j’espère bien l’avoir pour la saison prochaine.
Et puis sinon, dans les projets à venir, régulièrement, aller sur des expositions, se confronter aux gens. Évidemment.
Tu vois quelque chose a rajouter ?
Mon souhait serait d’en vivre décemment. Ce qui me paraît complètement atteignable, faut juste se faire connaître, ça avance doucement, un peu de presse, des choses prévus en tv régional, des expositions …. Ça avance.
Plus on aura de visibilité, plus on aura de clients, même si ca restera toujours artisanal, je ne veux pas faire des séries industrialisées, l’idée c’est de continuer a faire de la pièce unique.
À voir sur le site www.ldg-blades.com :
– le shop en ligne
– les stages d’initiation
– les prochaines expositions (dont Nantes Maker Campus)