Portrait de Makers #63 > Marine Prevet du collectif Couturier-es masqué-es 35

Impliquée depuis le début de la crise sanitaire au sein du collectif « Couturières solidaires Ille-et-Vilaine (35) »,  Marine Prevet et les 280 bénévoles du collectif ont fabriqués en tout et pour tout 5000 masques pour venir en aide aux personnels soignants. Leur action bénévole étant maintenant terminée pour laisser la place aux professionnels qui sont aujourd’hui organisés, Marine travaille désormais avec le collectif Couturier.es masqué.es qui est composé de couturier.es professionnel.les pour fabriquer et distribuer des masques, mais cette fois en permettant à chacun.e de vivre de son travail.

Qui êtes-vous et quel est votre parcours ?

Je m’appelle Marine et je suis ébéniste-restauratrice.

Depuis le début de la crise sanitaire, vous êtes très impliquée au sein du groupe « Couturières solidaires Ille-et-Vilaine (35) ». En quoi consiste ce groupe, qui en fait partie et quelles sont vos motivations ?

Ce groupe s’est créé spontanément, c’est une branche départementale de l’un des réseaux nationaux de couture de masques bénévoles. L’objectif était d’agir face à la pénurie de masques pour équiper les soignant.es, les travailleurs.es exposés au public et les associations sociales.
Nous avions mis en place un système de collecte qui permettait aux couturier.es de ne pas avoir à se déplacer. En centralisant ainsi la production, nous pouvions aussi répondre à des demandes plus importantes sans que les couturier.es n’aient trop de pression. On a vu dans de nombreuses villes des personnes produire des centaines de masques seul.es pour des Ehpads par exemple et travailler d’arrache-pied pour y arriver. En nous regroupant, nous avons pu nous répartir le travail. Beaucoup de couturier.es étaient des femmes, déjà très confrontées aux difficultés du quotidien en confinement, la couture a été une injection supplémentaire au travail bénévole, c’était important pour nous qu’elles ne le vivent pas comme une pression de plus.
Nous avons travaillé et produit au total 5000 masques grâce à un collectif de 280 bénévoles répartis dans la région. Je crois que cela a permis de répondre à l’ensemble de la demande urgente entre fin mars et début mai.
Le collectif a maintenant terminé son action et nous laissons la place aux professionnels qui sont aujourd’hui organisés. Les soignants ont de nouveau du stock de masques médicaux et l’équipement des particuliers ne doit pas reposer sur les épaules des bénévoles.

Qu’avez-vous appris de cette expérience ?

Tout d’abord la force et la rapidité d’organisation d’un collectif citoyen. Les organismes publics ont toujours un certain temps de réaction. Mais en situation d’urgence, on a vu fleurir ces groupes de citoyens, allant de l’impression 3D à la couture ou à la préparation de repas pour les hôpitaux ou les personnes fragiles. Pour nous il y avait les couturier.es, mais aussi un professionnel de la découpe laser, un livreur à vélo, les collecteurs, les Fablabs partenaires… Toutes ces actions étaient spontanées et altruistes.
Mais le bénévolat a aussi son revers et on a ressenti progressivement que de la gratitude, les bénéficiaires passaient à l’habitude. Ce qui était du travail, du temps et de l’argent ne devenait pour certains qu’un objet sans valeur. Quand il a fallu dire aux citoyens de s’équiper, les professionnel.les se sont fait insulter d’oser demander de l’argent pour leur travail. Malgré nous, nous avons participé à la normalisation du travail gratuit.
On ne peut pas parler de ça sans constater que la couture est considérée comme une tâche ménagère, et comme les autres tâches ménagères, on a une injonction au travail gratuit et non considéré. Certains groupes ont très mal vécu cette situation et se sont parfois fait prendre dans l’engrenage en travaillant énormément jusqu’à s’épuiser. Je crois que cette situation n’a pu exister que parce que nous étions des collectifs principalement féminins, et les injonctions à être altruistes fonctionnent beaucoup mieux sur nous…
La couture est une activité souvent peu considérée et la fast fashion n’a pas aidé à mettre en valeur ces compétences.  Là où les collectifs de Makers.es étaient décrits dans les médias comme mettant des compétences pointues au service de la société, on a beaucoup moins parlé des couturières de cette manière. Mais que l’on soit professionnel ou amateur, la couture demande des connaissances précises et c’est important de le souligner. En coordonnant les bénévoles, j’ai pu voir toutes ces personnes travailler dans l’ombre, se donner des conseils pour progresser, etc.  L’action de groupe a aussi permis ça, la montée en compétence des un.es et des autres en se prodiguant des conseils.

Quels sont vos projets à venir ?

Aujourd’hui je travaille avec un collectif de couturier.es professionnel.les pour fabriquer et distribuer des masques, mais cette fois en permettant à chacun.e de vivre de son travail. La situation d’urgence est passée, il faut maintenant que chacun puisse retourner au travail. Notre collectif Couturier.es masqué.es vend des masques en ligne au grand public et équipe aussi des professionnels. Nous travaillons avec du coton équitable et écologique et le travail de chacun.e est payé à sa juste valeur. Ici encore, je crois en la force du collectif qui nous permet de rester concurrentiels face à l’industrie. La production internationale arrive malheureusement à nouveau sur le marché, et combinée à notre action bénévole de ces derniers mois, il est difficile de faire entendre qu’un masque à 7€50 n’est que le prix d’une production juste. Mais je crois qu’il y a tout de même un public sensible à ces enjeux, et nous avons vendu 900 masques la première semaine, ça témoigne de quelque chose.
Nous travaillons aussi au développement d’une gamme de masques avec une partie transparente, qui permettent la lecture labiale et de manière plus générale de voir les expressions du visage. La demande est énorme de ce côté et pour l’instant aucune réglementation n’existe pour produire de tels masques. Mais de nombreux secteurs tirent la sonnette d’alarme : on pense vite aux malentendants qui ne peuvent pas lire sur les lèvres, mais il y a aussi des services psychiatriques qui ne peuvent pas travailler sans la communication non verbale, le secteur de la petite enfance… Un nouveau défi pour les couturier.es, technique, mais aussi malheureusement administratif.

Quels sont vos besoins et comment peut-on vous venir en aide ?

Pour aider les couturier.es de manière générale, où que l’on soit, on peut se rapprocher des artisans près de chez nous. Ils/elles ont été solidaires, à nous maintenant de l’être pour elles.eux. En leur achetant des masques ou d’autres objets de leur production, on contribue à faire vivre un système local. Et la crise l’a montré : c’est le local qui a permis d’avancer.
Évidemment, je vous invite à vous rendre sur le site de Couturier-es masqué-es pour vous procurer un masque. Toutes les semaines nous vendons aussi un masque solidaire, qui permet d’en offrir un autre à une association.

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Jean-Marc Méléard
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