
Sophie et Thomas ont créé LIPS – Life In PlastiqueS pour donner une seconde vie au plastique non valorisé. Professeure et médecin du travail, ils ont uni leurs talents et leur curiosité pour sensibiliser et produire des objets ludiques et design à partir de plastique recyclé. À travers ateliers, événements et créations colorées, ils montrent qu’écologie rime avec joie et accessibilité. Actuellement, ils mènent une campagne de financement sur Kengo pour acquérir leurs machines et développer leur SCOP, tout en collaborant avec des partenaires locaux comme Solidarité Bouchons 35.
Qui êtes-vous ?
Sophie : « Je m’appelle Sophie, j’ai 39 ans. Bienveillante et d’humeur joyeuse, j’aime rencontrer de nouvelles personnes. » Ses yeux s’illuminent : « J’aime les paillettes, les boucles d’oreilles et dénicher de nouvelles idées pour en faire des cadeaux ! »
Thomas : « Je m’appelle Thomas, j’ai 43 ans. À l’écoute des autres et ayant un goût prononcé pour la justice, j’ai l’humour facile et joyeux. Un sourire se dessine sur ses lèvres : « J’aime les paillettes, la nouveauté et fabriquer plein de choses. »
Pouvez-vous nous raconter vos parcours respectifs avant la création de LIPS ?
Sophie : professeure des écoles dévouée, j’ai traversé une période compliquée où j’ai remis en question le sens de ce que je faisais et tout le système dans lequel je baignais. J’ai donné 14 ans de ma vie sans compter aux élèves que j’ai rencontrés. Un bilan de compétences m’a fait réaliser que j’avais besoin de liberté d’action, et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré Thomas, qui avait une idée géniale : créer une activité autour du recyclage du plastique. Après plusieurs échanges sur le sujet, l’alchimie professionnelle s’est opérée, et il est devenu évident qu’on devait s’associer.
Thomas : comme Sophie, je n’étais absolument pas destiné à monter un tel projet au départ, puisque je suis médecin du travail ! Pour autant, la quête de sens et l’envie de créer quelque chose me taraudent depuis très longtemps, et j’ai toujours été très curieux. Passionné de technologies, d’arts créatifs et d’innovation, je suis devenu « autodidacte » sur plein de sujets, de la pratique du crochet à l’impression 3D, en passant par la couture et… les statistiques ! J’ai aussi toujours été très impliqué dans des associations, autour du handicap, professionnelles ou de loisir… bref, l’impression d’avoir mille casquettes et d’avoir vécu au moins autant de vies !
Qu’est-ce qui vous a donné envie de lancer un projet autour du recyclage du plastique ?
Thomas : Je m’intéresse depuis longtemps à mon impact sur l’environnement. La pratique de l’impression 3D et la recherche d’un moyen de réutiliser les chutes de plastique m’a fait découvrir le collectif Precious Plastic, qui œuvre à réduire l’impact du plastique dans nos vies, en mettant à disposition de tous les moyens de le faire. En difficulté dans mon travail, avec l’intuition que quelque chose ne tournait pas bien rond et en quête de sens dans ma vie, je me suis finalement lancé dans ce projet. Depuis le départ, je suis convaincu de la nécessité de faire un collectif, et j’ai rapidement recherché une personne prête à se lancer avec moi dans un projet aussi fou… et j’ai alors rencontré Sophie, qui a très vite accroché au projet et a apporté son savoir-faire, sa méthode et son enthousiasme, avec une complémentarité idéale pour LIPS !
Comment est née l’idée de Life In PlastiqueS (LIPS) et pourquoi ce nom ?
Sophie : L’idée était de trouver un nom original, plutôt pop et joyeux, autour du mot plastique. On s’est tous les deux mis à chanter la chanson d’Aqua, « Barbie Girl », et le nom s’est imposé de lui-même devant la joie du titre (heureusement, aucune vidéo de l’instant n’a fuité) ! L’anglais nous a questionnés un peu, et le côté artificiel de la vie en plastique aussi, mais on s’est rendus compte que l’acronyme pouvait se transformer en LIPS, encore un mot anglais qui nous renvoyait à la gourmandise, la générosité, la parole. LIPS, ce sont les lèvres, mais aussi le baiser réconfortant qui rassure. LIPS, c’est ce qui orne la bouche où passent le langage et la parole… On a voulu garder le tout !
Vous défendez une écologie plus douce et joyeuse : comment cette philosophie se reflète-t-elle à la fois dans vos actions de sensibilisation et dans la conception créative et design de vos objets en plastique recyclé ?
La joie et la créativité sont nos moteurs. On a voulu que cette joie se ressente avant même de parler : dans nos visuels, dans nos tenues de travail, partout. Ainsi, nous avons sollicité une créatrice, Assiakara, qui fabrique des vêtements non genrés avec des motifs très pop. Cela nous correspondait à 100 %, d’autant plus qu’Assia a pu customiser nos salopettes par l’ajout d’une poche avec des chutes de tissu à sequins.
Nous avons choisi les machines low-tech de Thiébaut (Autorecyclab), un habitué du Grand Huit, pour leur côté ludique et simple à utiliser, parfaites pour rendre l’écologie accessible et joyeuse. Quoi de mieux que la pédagogie active pour sensibiliser !
Enfin, nous avons à cœur de concevoir nos mélanges de paillettes plastiques avec des tons acidulés, joyeux et pop, pour que nos produits reflètent cela. Le design de nos objets est amené à évoluer lorsque nous passerons en phase de « production » en plus des sensibilisations, et nous souhaitons apporter de la rondeur et du fun à nos objets.
À travers vos ateliers et événements, que souhaitez-vous transmettre concrètement au public, et comment ces moments complètent-ils la création de vos objets ?
Notre message principal est « recyclons le plastique ! » plutôt que d’en produire du neuf alors que nous en avons assez… Notre enjeu est alors de convaincre notre public que recycler n’est finalement pas si compliqué ! Recycler des déchets pourrait devenir accessible à tout le monde.
Par ailleurs, chacune et chacun peut contribuer à réduire la production de nouveau plastique à partir de pétrole, en agissant sur sa consommation (préférer le plastique recyclé plutôt que le plastique « neuf », voire même le substituer par d’autres matières plus durables !).
Ces sensibilisations sont un élément essentiel de notre activité pour que le public et les professionnels consomment les produits en plastique recyclé, ou encore mieux, qu’iels n’en consomment finalement plus. Nous souhaitons pouvoir les informer au mieux. Et ce, de façon joyeuse et détendue, pour dépasser la perception d’une écologie anxieuse ou punitive décrite dans certains messages. En effet, le plastique recyclé étant plus cher que le plastique fabriqué à partir de pétrole brut, le public doit savoir qu’il dispose d’un vrai pouvoir d’action dans ses choix de consommation.
Vous menez actuellement une campagne de financement. Quels en sont les objectifs, et plus largement, quelles sont les grandes nouvelles de LIPS ?
Nous menons une campagne sur Kengo, un site de crowdfunding qui met en avant les initiatives locales en Bretagne. Notre objectif principal est de collecter 5 000 euros pour financer l’achat d’une partie de nos machines, dont le montant total s’élève à un peu moins de 15 000 euros. C’est pourquoi, si notre premier objectif est atteint, nous espérons poursuivre la campagne pour financer peut-être la totalité de nos machines et éviter ainsi la nécessité d’aller vers un emprunt bancaire, car aujourd’hui nous n’avons pu bénéficier d’aucune subvention.
Nous nous consacrons donc pleinement à faire vivre cette campagne, tout en continuant à rencontrer des partenaires futurs : nous avons tout dernièrement échangé sur un projet de convention avec Solidarité Bouchons 35, l’association qui récupère les bouchons sur le territoire et qui finance des actions visant à plus d’inclusion. Ainsi, pour chaque kilogramme de bouchons recyclés, nous reverserons un don à solidarité bouchons 35 ! Cela nous permet de rester en cohérence avec nos valeurs en ne créant pas de concurrence avec les acteurs solidaires du territoire.
Quels sont les défis principaux que vous rencontrez aujourd’hui ?
Aujourd’hui, notre principal défi est de faire de notre activité un moyen d’en vivre. Une telle activité nécessite de s’y consacrer pleinement, et nous avons chacun une vie familiale et personnelle à côté ! Notre défi numéro un est donc financier, et c’est pourquoi nous avons choisi de démarrer sans local aujourd’hui, afin de limiter les charges au minimum.
Heureusement, des partenaires tels que le Grand Huit nous permettent d’offrir un lieu pour proposer nos ateliers de sensibilisation au public. C’est une grande chance pour nous, d’autant plus que nous partageons de nombreuses valeurs.
Comment imaginez-vous LIPS dans cinq ans, et qu’est-ce qui vous inspire ou vous donne de l’énergie pour avancer dans cette direction ?
On imagine avoir réussi la transformation de LIPS en société coopérative de production (SCOP) spécialisée dans le recyclage du plastique non valorisé. On aura sourcé les plastiques destinés à l’incinération et on imagine réussir à les récupérer pour les remettre en circulation. Broyés puis pressés à l’aide de grandes plaques chauffantes, ces plastiques renaîtront en mobilier, décorations ou plaques de signalétique. On imagine que l’équipe de LIPS se sera agrandie et aura accueilli des compétences nouvelles dans le domaine du recyclage plastique.
LIPS sera dans son atelier avec sa belle enseigne en plastique recyclé. Ce local reflétera les deux activités de Life In PlastiqueS : un espace de sensibilisation, chaleureux et accueillant, et une partie production qui permettra de recycler de grands volumes de plastiques autrement destinés à l’incinération.
Nos rencontres avec différents partenaires et différents acteurs existants dans le domaine nous inspirent et nous motivent dans ce sens. Notre goût pour la créativité et l’innovation, notre curiosité, est un moteur pour y arriver.
Forts d’un collectif engagé, soudé et motivé, nous serons fiers de contribuer à la réduction de l’impact du plastique sur l’environnement et dans nos vies.