Titulaire d’un DU sur les Serious Game, designer et curieuse par nature, Muriel Colagrande est la fondatrice d’OVAOM. Développant des objets connectés qui utilisent la musique pour favoriser l’apprentissage des enfants qui présentent des troubles du langage, Muriel s’est entourée d’une équipe aux compétences diverses et variées pour concevoir une application qui propose plusieurs jeux et deux manettes sensorielles pour stimuler les sens et jouer avec le son.
Qui êtes-vous ?
Je m’appelle Muriel Colagrande, on va dire que je suis designer, mais surtout une grande curieuse !
Titulaire d’un DU, vous êtes la fondatrice d’OVAOM. Quel a été votre parcours et d’où vous vient cet intérêt pour les sciences de l’éducation ?
Après un cursus en arts appliqués j’ai commencé à travailler comme graphiste print, et puis, à 20 ans, j’ai découvert internet !
J’ai trouvé ça génial de pouvoir faire des sites animés et interactifs en tapant des lignes de code alors j’ai appris à programmer, en suivant une petite formation, et surtout en passant tout mon temps sur les forums. Le métier de graphiste c’est avant tout faire comprendre de l’information, en la hiérarchisant, en l’illustrant…
L’interactivité est vraiment un plus, j’ai créé beaucoup de sites sous forme de jeux pour étonner et impliquer l’utilisateur. Lorsque j’ai créé OVAOM, j’ai fait un DU sur les Serious Game au CRI (Centre de Recherche Interdisciplinaire).
OVAOM est un jeu musical qui stimule la communication, la concentration auditive et la motricité grâce à la musique. Comment est née l’idée d’un tel projet et à qui s’adresse-t-il ?
J’ai travaillé en tant que directrice artistique et UI designer chez Meludia, une startup qui développe une webapp pour apprendre la théorie musicale par le développement de l’écoute.
La musique a toujours eu une place énorme dans ma vie, surtout au niveau des émotions, mais là j’ai perçu que cela pouvait avoir un impact sur le développement cognitif de l’être humain, et notamment sur l’apprentissage du langage.
J’ai donc réfléchi à un moyen pour que les enfants puissent développer leur écoute, dès le plus jeune âge, dans le plaisir. Les capteurs électroniques m’ont semblé être vraiment intéressants pour sortir de l’écran et créer des interfaces “chaudes” ; sensorielles, pour aller vers l’idée de la synesthésie, et créer en quelque sorte du son “solide”, du son à manipuler, pour ainsi mieux l’explorer.
On s’adresse plus particulièrement aux enfants qui présentent des troubles du langage et des apprentissages.
Quelles compétences ont été nécessaires pour développer ce projet et quels matériaux avez-vous utilisés ?
Je me suis mise à bidouiller de l’électronique et Pure Data pour faire des prototypes et j’ai contacté des professionnels du médico-social et des chercheurs pour leur parler du concept. Ils ont trouvé que c’était pertinent et grâce à une bourse du Ministère de l’Éducation Nationale j’ai enfin pu rassembler une équipe compétente : Simon Hill, codeur-musicien, Wandrille Heusse, designer-Maker, et Simon Juif, électronicien-Maker. C’était vraiment nécessaire pour faire des choses plus complexes !
On s’est tous rencontrés dans des Makerspaces ou Hackerspaces. On a fait nos cartes Arduino custom et on utilise des imprimantes 3D. On est passé au SLA, plus rapide que le dépôt de filament, avec une résine à base de soja. On est accompagné par des chercheurs en design, sciences cognitives, psycho-ergonomie, éducation musicale, serious game, pédopsychiatrie et des professionnels comme des psychomotriciens et orthophonistes. C’est passionnant de pouvoir travailler avec toutes ces personnes !
Vous avez conçu deux manettes sensorielles pour stimuler les sens et jouer avec le son. Comment fonctionnent-elles ?
Les manettes comportent des capteurs de pression, de souffle, un joystick et des capteurs de mouvements (IMU), ce qui permet de détecter pas mal d’interactions. Elles sont connectées en Bluetooth à une application mobile, qui récupère les données des capteurs et embarque la mécanique de jeu. Le moteur de son de l’app est codé en Pure Data, il génère ou module des sons en fonction des données des capteurs.
Votre application propose plusieurs jeux. Quels sont-ils et quelles sont leurs particularités ?
Pour le moment on a quatre jeux basés sur l’audio : Jungle (le mode libre pour faire de la musique) / Puzzle (on écoute un modèle musical qu’on reproduit à l’oreille) / Sampling (où l’on peut enregistrer sa voix ou des sons pour les modifier) / Gesture (pour créer de la musique en faisant des gestes). Ils ont la particularité d’être fun et on compose toute la musique, pour proposer une expérience artistique de qualité. Le plaisir et la beauté sont importants pour motiver l’humain. Il ne se passe pas grand-chose sur l’écran, pour les aider à se concentrer sur ce qu’ils entendent.
Quels sont vos objectifs pour les mois à venir ?
On a la chance de continuer à rencontrer des personnes qui croient en nous, alors on poursuit l’aventure ! D’autres gameplays sont en cours de développement : une histoire interactive, où l’enfant est acteur via les manettes, par son retour sonore, et d’autres jeux basés sur le souffle. On lance une étude d’impact en cabinet d’orthophonie, le protocole a été co-construit avec une psycho-ergonome et une orthophoniste. Nous avons fait tout le travail pour l’homologation des manettes, ce qui nous permet de pouvoir enfin les commercialiser auprès des orthophonistes, psychomotriciens et centres médico-sociaux. On a prévu de lancer une campagne de crowdfunding fin mars.
D’ailleurs, si vous êtes intéressés, vous pouvez vous inscrire à notre newsletter sur ovaom.com ou suivre nos réseaux sociaux @ovaomproject !