Adrien Bellay est un cinéaste engagé dans la promotion des solutions écologiques. Après une enfance baignée dans le cinéma, il a développé une passion pour le montage, reconnaissant que c’est là que les films prennent vie. Son choix de passer de monteur de reportages pour France Télévisions à réalisateur de documentaires indépendants lui a permis de traiter des sujets qui lui tiennent à cœur, notamment la permaculture et les low-tech. Son premier film, « L’Éveil de la permaculture », a été un succès, rassemblant plus de 100 000 spectateurs. Son dernier projet, « Low-Tech », explore les alternatives concrètes pour un mode de vie plus durable. Adrien souhaite mettre en lumière les acteurs des low-tech et susciter une prise de conscience chez le public quant à la nécessité d’adopter des technologies plus simples et durables pour préserver l’environnement.
Qui es-tu ?
Je suis cinéphile, citoyen engagé, curieux des techniques écologiques concrètes, désireux de voir notre société emprunter une voie plus respectueuse de la nature et des hommes. Pour allier tous ces intérêts, je réalise et je produis des films documentaires pour le cinéma qui abordent des thématiques écologiques fortes. J’ai consacré un premier film à la permaculture. Un second aux low-tech.
Tu as passé ton enfance dans le sud de la France, où tes parents animaient un circuit de cinéma itinérant, qu’est-ce que cela t’a apporté comme expérience ?
J’ai baigné dans l’univers du cinéma très jeune. J’ai découvert un cinéma éclectique, des films rares, singuliers, des films d’auteur, du cinéma d’animation, des courts-métrages. Tout ceci m’a nourri. Et puis j’ai découvert un cinéma engagé, social et écologique. J’ai assisté à de nombreux débats avec les auteurs. J’étais curieux de savoir quelles étaient les intentions qui se cachaient derrière les images. J’ai eu une caméra entre les mains alors que j’avais à peine 10 ans et j’ai commencé à faire des films avec mes amis. Et j’y ai pris goût.
À quel moment as-tu compris que la dialectique du montage était ce qui t’attirait le plus ?
C’est dans la phase du montage que le film prend vie. On donne le sens, le rythme, on pose les enjeux. C’est un travail de réécriture qui démarre – après celui du scénario – . Et les possibilités sont multiples. On va donner véritablement un style au film.
J’ai suivi cette formation de monteur car j’étais aussi convaincu que c’était la bonne porte d’entrée pour passer à la réalisation. Car on acquiert avec le temps une bonne vision d’ensemble des projets. On sait comment raconter une histoire, de la façon la plus efficace ou la plus originale possible…
Après avoir collaboré au montage de reportages pour France Télévisions, Envoyé Spécial ou Thalassa, tu as choisi de te consacrer à la réalisation de films documentaires, pourquoi ce choix ?
Je travaille depuis de nombreuses années comme monteur pour les magazines d’information du groupe France Télévisions. Même si j’ai toujours été impliqué dans ce travail, je trouvais que je manquais d’autonomie. Je dépendais de programmes et de lignes éditoriale pas toujours en accord avec mes principes. En produisant et en réalisant mes propres films, j’ai retrouvé une plus grande marge de manœuvre. Une certaine liberté pour défendre les sujets et les points de vue qui me tenaient le plus à cœur. J’ai eu le sentiment que je pouvais remplir mon rôle de citoyen, en rendant plus visible les solutions écologiques, trop souvent marginalisé dans les médias. J’en ai fait mon combat, artistique et politique.
Ton premier film, « L’Eveil de la permaculture », a remporté un grand succès en réunissant plus de 100 000 spectateurs, quelle a été ta réaction face à cet engouement ?
J’ai été surpris de voir l’engouement autour du film. C’était dingue ; il y avait des demandes qui venaient du monde entier, et le film a eu accès à des réseaux de distribution qui étaient loin de nos attentes. Le film a touché le grand public, des salles art et essai aux multiplexes, des salles des fêtes aux Tiers-lieux. Et puis j’ai pu apprécier la qualité et la densité du réseau de la permaculture en France, en cartographiant tous les lieux où la permaculture était pratiquée, où elle se diffusait – les intervenants étaient nombreux à mes côtés, pour présenter leurs actions ou participer aux échanges. C’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de reproduire l’essai avec le mouvement low-tech, qui pourrait s’appuyer sur le film pour faire de la sensibilisation et de la pédagogie, et le film pourrait aussi s’appuyer sur le mouvement pour toucher un large public.
Ton nouveau projet documentaire, « Low-Tech », est dédié aux alternatives concrètes, qu’est-ce qui t’a inspiré ce sujet et qu’espères-tu transmettre à travers ce film ?
J’ai découvert les low-tech grâce au Low-Tech Lab, une association basée à Concarneau en Bretagne, qui fait la promotion des low-tech sur leur site grâce à de nombreux tutoriels pour apprendre à fabriquer des objets low-tech, mais aussi grâce à des grandes missions d’explorations et de diffusion de la démarche, à toute les échelles. En découvrant l’une de leurs expos – l’habitat durable, à Paris en 2018 – , j’ai saisi qu’il y avait là une approche complémentaire à celle de la Permaculture. Et que cette approche répondait à des urgences, écologique, énergétique, sociale. J’ai pris le sujet à bras le corps, et j’ai découvert tout un univers que je ne soupçonnais pas – des bricoleurs Géo-trouvetout aux chefs d’entreprise, des paysans à nouveau maitres de leurs outils de production à des lobbyistes low-tech dans l’industrie…
Quelles questions le film « Low-Tech » soulève-t-il chez toi ? Es-tu prêt à remettre en cause ton confort personnel et à adopter un mode de vie plus durable ?
On définit la low-tech comme un ensemble de techniques, technologies et savoir-faire utiles, durables et accessibles. Mais au-delà, c’est une démarche qui questionne nos besoins – essentiels ou non-essentiels. Et cette question, désormais je me la pose tous les jours. Arbitrer entre ce qui est indispensable et superflu. Trouver le juste niveau technologique. J’ai conscience que nous habitons un mode complexe, où les systèmes techniques sont imbriqués – difficile de séparer le LOW du HIGH – et qu’il est aussi difficile de briser les liens de dépendances avec la technologie – je n’ai pas encore adopté le « dumb » phone. C’est un long chemin. Je vis déjà dans une forme de sobriété mais j’ai encore plein d’outils à mettre en place dans mon quotidien.
Comment penses-tu que le film va mettre en valeur les acteurs du monde des low-tech et leur opposition symbolique au monde envahissant des high-tech ? Penses-tu que cela va susciter une prise de conscience chez les spectateurs ?
J’ai choisi des personnages inspirants, qui portent une certaine émotion en eux. Donc oui je pense qu’ils vont influencer, au moins un peu, les spectateurs de ce film, par leur parole, leur visage et surtout leurs gestes. L’idée est de mettre le spectateur en mouvement. Car il va se poser un certain nombre de questions – sur son rôle dans la société, son travail, ses passions, son mode de vie, et puis certainement aussi son impuissance et son ignorance face à la technique. Il y a tout un tas de savoir-faire qui se sont perdus, se les réapproprier nécessite un investissement qui peut sembler considérable. Mais mon avis, nous n’avons plus le choix, nous devons nous tourner vers ce genre de démarche, nous habitons un monde qui doit nécessairement amorcer une descente énergique et matérielle.
Avec sa sortie le 7 juin dernier, le film a été largement diffusé, et de nombreuses projections sont prévues en France et en Belgique. Qu’espères-tu de ces futures projections ?
J’espère que le film va rencontrer son public, renforcer les liens entre ceux qui sont déjà convaincus, les réseaux qui existent déjà dans les milieux associatifs, dans les grandes écoles, dans les entreprises, et puis surtout parler à un public large, de tout âge, de toute origine sociale… et pas que des convaincus ! J’espère parler aussi aux sceptiques, aux plus radicaux, aux plus pragmatiques. Car j’ai conçu le film ainsi : dans la diversité des personnages, des intervenants et des points de vue, il y a forcément un moment où le spectateur fini par adhérer au propos – et vu notre époque actuelle, on a besoin de fédérer plutôt que d’exclure.
Pour tout savoir sur le film « Low-Tech » et pour trouver une séance près de chez vous c’est ici.