
Sam Verlen est un musicien et créateur passionné, mêlant musique expérimentale, électronique et art. Formé à l’orgue à tuyaux, au piano, à la guitare électrique puis aux synthétiseurs, il conçoit aussi bien ses instruments que ses spectacles, alliant programmation, composition et construction d’automates sonores avec des artisans. Ancien informaticien, il met son expérience technique au service de projets innovants et transdisciplinaires, explorant la poésie du sonore à travers le tangible et le numérique. Actuellement, il développe un orchestrion transportable piloté par MIDI, accompagné d’une conférence-concert et d’une installation sonore interactive.
Qui es-tu ?
Je m’appelle Sam Verlen, je suis un grand gamin curieux et passionné de tout, mais en particulier de musique, de bidouilles électroniques et informatiques, surtout quand elles sont reliées à l’art. Mon premier instrument est l’orgue à tuyaux, puis le piano, la guitare électrique, et enfin les synthés analogiques et boîtes à rythmes… En plus de la conception/programmation logicielle et de la composition musicale de ces spectacles, je me suis progressivement spécialisé dans la création et le pilotage d’automates sonores percussifs (avec le constructeur François Marsollier) et la création de pierres sonores (avec le tailleur de pierre Loïc Maillard).
Avant de te consacrer à la musique expérimentale et à la création d’instruments, tu avais un autre métier. Comment cette expérience a-t-elle influencé ta démarche artistique ?
Oui, j’ai travaillé une dizaine d’années dans l’informatique, dans de grands groupes, autour du traitement et de la compression de la vidéo et du son pour la TV numérique et les tablettes/téléphones portables. À l’époque, en plus de participer à la création des algorithmes, j’aidais mon équipe à automatiser tout le travail pénible (en particulier les tests). L’automatisation faisait déjà partie de mon vocabulaire, mais pas de la même manière. Cette expérience de gestion d’équipe et de projets innovants m’a permis de mieux gérer mes propres projets ensuite, de m’entourer pour construire des projets plus ambitieux artistiquement. Et même si, au départ, je voulais uniquement jouer des instruments simplement, sans électronique ni ordinateur, ces technologies que je maîtrise ont finalement vite influencé ma démarche et trajectoire artistique.
Tu joues de nombreux instruments et manipules aussi bien le piano que le code. Comment articules-tu composition, interprétation et bricolage technologique ?
Globalement, je suis beaucoup en tournée partout en France d’octobre à mai, et le reste du temps, je crée et compose mes futurs spectacles. C’est aussi à ce moment-là que j’expérimente et fabrique de nouveaux outils technologiques.
Tu te définis comme en quête d’une poésie sonore personnelle. Comment cette recherche se traduit-elle concrètement dans tes projets ?
Je suis rarement touché par les œuvres purement numériques, et ma démarche est vraiment d’augmenter le réel tout en me reposant toujours sur le sensible, le palpable, la manipulation concrète d’objets. C’est à cet endroit que je cherche à développer des formes poétiques, oniriques et parfois un brin magiques. J’ai beaucoup travaillé avec des enceintes en multicanal, et je reviens actuellement à des musiques jouées entièrement par des instruments acoustiques, mais en utilisant les techniques de musique électronique actuelles et la spatialisation des éléments.
Tu conçois des pierres sonores et des automates musicaux : peux-tu nous raconter comment est née cette passion pour les dispositifs électro-mécaniques ?
Je crois qu’au départ, cela vient de l’orgue à tuyaux que je jouais étant enfant : un instrument à la mécanique très complexe, rempli de technologies et d’idées combinées pour obtenir un son à la fois majestueux et puissant.
Mais ce travail autour de créations électro-mécaniques est né d’un spectacle BD-concert que j’ai créé il y a trois ans. Dans cette BD, les autrices/illustratrices ont réussi à donner vie à la pierre, au vent, aux arbres, et en cherchant comment je pouvais faire de même musicalement, j’ai commencé à expérimenter des dispositifs sonores basés sur des électroaimants, des moteurs, …
Comment les outils numériques (comme Ableton Live, Arduino ou Raspberry Pi) deviennent-ils, entre tes mains, des instruments « vivants » de création ?
L’idée est que ces outils restent avant tout des outils au service d’un propos artistique, et pas l’inverse. Ils sont « vivants » car ils réagissent à différents capteurs, mais aussi parce que j’aime me faire surprendre par eux en utilisant, par exemple, des comportements aléatoires (mais globalement maîtrisés et cadrés).
En tant que Maker, quel rôle joue l’expérimentation dans ton processus artistique ?
C’est essentiel : l’expérimentation prend une large place dans mes créations. Même si j’aime écrire et travailler les propos que je défends sur scène, beaucoup de choses naissent de la sérendipité… Il faut juste être suffisamment ouvert et libre pour les accueillir.
Tu participes à de nombreux projets transdisciplinaires. Qu’est-ce qui t’attire dans ces croisements entre musique, arts visuels, objets, gestes, technologies ?
Ces dernières années, mes créations de spectacle sont effectivement toutes transdisciplinaires, à la jonction du sensible et du numérique, avec des plasticien·ne·s, des vidéastes, des comédien·ne·s, des auteur·rice·s, des danseur·se·s… Avec ces artistes qui n’ont pas le même médium artistique que moi, j’aime cette recherche d’une langue commune et polymorphe pour raconter une histoire.
En quoi ton travail résonne-t-il avec l’esprit du mouvement Maker et les pratiques du DIY musical ?
Mes projets expérimentent des utilisations artistiques et innovantes des technologies existantes et se basent sur des domaines « classiques » pour les Makers : l’électronique, les machines-outils (CNC pour le bois et la pierre), ainsi que des activités plus traditionnelles (la métallurgie, la menuiserie, la taille de pierre). J’ai de longues phases de prototypage avant de réaliser la version finale prête pour la tournée. Je passe beaucoup de temps à apprendre des techniques que je ne connais pas, soit via Internet (réseaux de Makers), soit directement auprès d’amis Makers.
Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
Je travaille sur un nouvel instrument de musique : un orchestrion transportable, piloté en MIDI par une dizaine de séquenceurs polyphoniques. Cela me permet d’utiliser tous les outils de musique électronique sur un instrument purement acoustique.
Autour de cet instrument, je prépare une conférence-concert sur la musique mécanique ainsi qu’une installation sonore et visuelle de type jeu vidéo.