Marvin Johnson est un Maker passionné, ingénieur et rêveur, mêlant science-fiction et innovation technique. Fort de son expérience chez Orange, il développe des projets alliant imagination et technologie, comme le Nautilus, un « surmarin » construit à partir de matériaux recyclés. À travers sa société Levita, il facilite la collaboration avec des écoles et participe à des projets de grande envergure. Son engagement pour l’écomobilité se manifeste par la création de véhicules à faible empreinte carbone. Toujours en quête de nouvelles idées, Marvin rêve de créer des expériences immersives et des véhicules inspirés par l’imaginaire.
Qui es-tu ?
Je suis Marvin Johnson, Maker franco-britannique ayant passé sa jeunesse en Angleterre, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, avant de vivre et de travailler en France depuis plus de 30 ans…
Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel en tant qu’ingénieur chez Orange et comment cela influence tes activités de Maker ?
Je vois l’ingénierie comme un facilitateur permettant l’apprentissage et la maîtrise de méthodes de conception et de réalisation, que ce soit pour des projets, des objets ou des expériences. Les compétences et expériences acquises lors de multiples postes variés, en recherche comme en anticipation, en France et à l’international, en échange avec des collègues de profils pluridisciplinaires, m’ont donné les moyens de mener à bien des projets complexes. Tout ceci se met à disposition de mes projets personnels, qui mêlent souvent le réel et l’imaginaire, la technique et l’artistique.
Tu es décrit comme un rêveur, fan de science-fiction et de Jules Verne. Comment ces influences nourrissent-elles tes projets, notamment dans la conception de véhicules inspirés par l’air, la terre et la mer ?
J’ai toujours été passionné par les mondes imaginaires et la science-fiction. Dès mon enfance, j’ai dévoré les livres de Jules Verne et découvert les films de science-fiction d’exploration et de découverte de mondes imaginaires. Ces univers m’enchantent, et j’aime créer des structures capables de les projeter. Depuis quelque temps, j’ai réalisé que mes projets étaient souvent liés au transport, à commencer par les dirigeables, qui sont très souvent utilisés dans la science-fiction, mais aussi aux véhicules terrestres et marins ; du coup, je me vois me spécialiser dans l’exploration de créations autour de ce thème.
Depuis toujours, j’aime créer des objets pour faire rêver, imaginer, et les présenter au public lors de divers événements. J’initie également des collaborations avec des lycées et des écoles d’ingénieurs pour partager chacun de mes projets terre, mer et air, et en faire des sujets d’étude, qui apportent aux étudiants des connaissances et de l’expérience sur des projets concrets, tout en me offrant un retour d’avis et d’expérience pour l’amélioration des expériences d’utilisation des projets.
Quelle est la vocation de la société Levita, et comment cette initiative te permet-elle de concrétiser ou d’accompagner des projets innovants ?
Autrefois une association destinée à fédérer des initiatives d’étude, de conception et d’opération de véhicules variés, Levita m’offre un cadre pour faciliter l’élaboration de partenariats avec des écoles ou d’autres organismes, répondre à des appels à projets, et un cadre administratif adapté pour la réalisation de prestations liées aux créations.
Peux-tu nous en dire plus sur le projet Nautilus ? Quelle a été l’idée de départ, et quelles sont les étapes de sa réalisation jusqu’à aujourd’hui ?
À partir de 2020, j’ai commencé à construire un bateau de 4 places à partir de pièces d’une quille de ballon dirigeable d’un ancien projet. Il ressemblait déjà curieusement au Nautilus de Jules Verne, et j’y voyais l’opportunité d’en faire un Nautilus original…
Ce Nautilus, que j’appelle « surmarin », est fabriqué principalement à partir de matériaux recyclés : plaques de mousse recouvertes de carbone, bois, etc., et est muni d’un moteur électrique pour la propulsion, ce qui lui permet de naviguer à basse vitesse sur l’eau.
Enfin, pour illustrer la partie sous-marine de l’expérience d’un vrai sous-marin, j’y ai développé et installé un jeu d’exploration en 3D.
Le Nautilus a été présenté au public lors de 4 événements grand public en France depuis 2021, dont 3 organisés par Makeme – Nantes Maker Campus et Tech’Inn Vitré – merci !
Un autre objectif du projet, au-delà de faire rêver, est de multiplier les expériences d’exploration. Ainsi, le Nautilus fait l’objet d’un projet INSA de 3e année sur Rennes, où nous travaillons sur un parcours médiatique d’exploration d’une épave du 17e siècle, mélangeant images de synthèse et images réelles. Le résultat, une invitation à la découverte de l’épave, devrait être présenté aux Journées Européennes de l’Archéologie en juin 2025, puis lors de la prochaine Fête de la Science.
Qu’en est-il du projet Ziphius 900 ?
Je m’intéresse à l’industrie du dirigeable depuis fort longtemps, et j’ai suivi les avancées des projets divers et variés au fil des années. Après avoir réalisé et opéré des dirigeables radiocommandés dans les années 90, j’ai souhaité travailler sur un dirigeable piloté. Le Ziphius 900 est un dirigeable prototype biplace autour duquel j’avais envisagé la création d’une société, Ziphius Air Services (ZAS).
L’objectif était de mettre au point une classe de ballons dirigeables relativement économiques et performants, pour répondre aux besoins d’un certain nombre de services aériens identifiés par l’étude de marché réalisée en collaboration avec l’IUT de Rennes. Afin d’accélérer le processus de mise au point, ZAS avait fait l’acquisition d’un dirigeable existant de 1000 mètres cubes en 2010.
L’objectif était de le moderniser et d’alléger ses systèmes, afin de le rendre performant. Au fil des années, tout a été préparé pour la création de la société : étude de marché, plan d’affaires, communication, recherche de partenaires et investisseurs, recherche de terrain sur aérodrome, devis pour le hangar… Nous avions prévu d’optimiser les différents systèmes embarqués, et d’y ajouter des systèmes innovants de pilotage automatique, d’asservissement, de motorisation électrique, et un système d’atterrissage automatisé… J’avais fait appel à des étudiants en école d’ingénierie aéronautique ESTACA pour aider à terminer la conception des systèmes.
Finalement, après près de 8 ans de préparation, le projet de création de société a été mis en veille pour des raisons de rentabilité pénalisée par l’arrivée des drones, d’impossibilité d’obtenir l’autorisation d’installation de l’activité sur aérodrome, de coût excessif pour le hangar, et par l’absence de collaborations et de partenaires intéressés. Comme beaucoup de projets de dirigeables, ce n’est pas l’appareil lui-même qui ne fonctionne pas, mais l’administratif et les coûts logistiques nécessaires au démarrage de l’activité qui peuvent mettre un coup d’arrêt au projet.
Aujourd’hui, je recherche toujours un hangar ou entrepôt assez grand pour permettre l’assemblage de l’aéronef modernisé. La revue du plan d’affaires laisse entrevoir une possibilité de rentabilité saisonnière. Cependant, les chances sont limitées ; c’est pourquoi le projet se transforme. J’envisage maintenant le montage d’un spectacle son et lumière autour de l’enveloppe gonflable translucide du dirigeable, animé par des acteurs. J’ai déjà une trame scénaristique pour l’attraction, et je recherche une troupe intéressée pour passer à la réalisation. Avis aux amateurs !
Quel rôle jouent les FabLabs dans ton processus de création, et comment y contribues-tu en tant que Maker ?
L’écosystème des fablabs est fabuleux pour l’échange, l’apprentissage, la collaboration et la création. Je m’inspire des projets et réalisations des autres makers, et j’y contribue par les échanges et par ma présence aux événements organisés. Je suis également référent d’un fablab interne d’Orange à Rennes, ainsi que président de l’Atelier Partagé, le fablab local. Je n’hésite pas à inviter les membres de ces espaces à participer à l’avancement de mes divers projets, que ce soit pour de l’assemblage mécanique, électronique, de la programmation ou de la décoration…
J’ai également un projet de création d’un grand atelier mécanique près de Rennes, qui se spécialiserait dans la création de structures scéniques low-cost à destination d’événements grand public. Cependant, je voudrais que l’espace professionnel puisse également accueillir d’autres makers dans un format fablab étendu, autour d’ateliers mécaniques et de travail des matières, et que l’on puisse y accueillir des jeunes pour leur permettre de découvrir des projets scientifiques et artistiques, et participer à leur avancement.
Vous l’avez compris : je cherche un local pour héberger et partager toutes mes créations existantes et futures ! Il est question de trouver un local adapté pour cela au nord de Rennes – hangar recherché !
Tes projets mettent souvent en avant l’écomobilité et les véhicules électriques. Comment vois-tu l’évolution de ces technologies et ton rôle en tant que créateur dans ce domaine ?
Mon projet initial fut l’Ecolocar, un véhicule électrique à assistance solaire autoconstruit et homologué, que j’ai fabriqué seul en 2002 dans le cadre d’un tour du monde de sensibilisation écologique nommé Ecolotour, réalisé avec ma future femme. Ecolotour fut un projet pédagogique médiatisé, impliquant la traversée de 14 pays, dont 3 avec le véhicule. Pendant le voyage, l’équipe est restée en contact avec des écoles rennaises pour partager ses expériences. L’Ecolocar fut conçu et assemblé en 10 mois dans un garage, avant de passer des essais de freinage et de vitesse à Paris, pour enfin obtenir sa carte grise en catégorie quadricycle léger à moteur. Il peut donc rouler sur voie publique, à une vitesse maximale de 45 km/h.
Depuis quelques années, le véhicule a participé plusieurs fois à l’initiative CampOSV de l’IETR sur Rennes : https://camposv-labfab-ur1.ietr.fr/
Aujourd’hui, je souhaite bien la mettre à disposition d’une école supérieure sur Rennes pour un projet pédagogique – partenaires les bienvenus !
Sinon, je m’intéresse aux petits véhicules dits intermédiaires, entre le vélo et la voiture. Il existe une initiative nationale soutenue par l’ADEME, à laquelle j’ai participé et que je suis de près : https://xd.ademe.fr/
On peut y suivre les avancées de startups créant de petits véhicules à faible empreinte carbone et capables de proposer des alternatives à la voiture solo dans bien des cas. Je pense qu’il faut poursuivre ces initiatives, et je ne manquerai pas d’imaginer d’autres véhicules prototypes. C’est une évolution indispensable à mon avis pour aider à réduire notre impact sur l’environnement. Je vous invite à vous intéresser à cette initiative tout comme moi !
Mon Batcycle, tricycle électrique caréné, fait aussi partie de mes projets véhicules, ainsi que le projet de réplique électrique d’un petit ballon dirigeable historique de 1903, créé par l’aviateur Santos Dumont, dont un partenariat avec un lycée et une école d’ingénieurs avait permis une belle avancée…
Quels sont les projets sur lesquels tu travailles actuellement ou que tu rêves de développer dans un futur proche ?
En plus de l’évolution du Nautilus, et de pléthore de petits projets d’objets connectés, je commence à préparer un projet de machine à remonter dans le temps, du genre capsule spatial, qui serait construit autour d’une nacelle de dirigeable biplace qui traîne par hasard dans mon atelier, monté sur vérins et animé par un jeu 3D…. et qui pourrait héberger plusieurs expériences dont un « De la Terre à la Lune » de Jules Verne, un voyage à travers l’histoire, un voyage spatial … intéressé pour me rejoindre ?
Quels conseils donnerais-tu à des passionnés qui souhaitent se lancer dans des projets mêlant imagination, technologie, et durabilité ?
Je pense qu’il faut se nourrir d’idées, et surtout se découvrir suffisamment motivé pour trouver et réaliser un projet concret…
Pour le choix du projet, il faut s’interroger sur le thème ou le domaine que vous souhaitez développer, et penser à une trame, un fil directeur, afin de raconter une histoire, ce qui permettra la création d’un narratif et la mise en place de l’expérience et du monde imaginaire.
Ensuite, il est important d’avoir une certaine rigueur pour la préparation du projet, de se faire plaisir à dessiner le concept par croquis puis par schéma d’architecture, et une fois le projet assez défini, échanger avec d’autres et, si besoin, se faire aider pour sa réalisation. Impliquer des jeunes et des moins jeunes dans son aventure. Privilégier l’utilisation de matériaux et objets d’occasion pour les upcycler, à utiliser dans le projet. Enfin, ne pas se mettre trop de pression… même s’il est souvent utile de se donner des échéances pour faire avancer les choses – par exemple, le présenter lors d’un prochain Maker Campus !