Portrait de Maker #155 : Audric Gueidan

Audric Gueidan, médiateur numérique et conférencier, a tracé un parcours allant des arts à la gestion d’un espace de coworking. Son approche pédagogique privilégie le « Learning by doing », rendant les concepts complexes accessibles. Il relève le défi de rester à jour dans un monde numérique en perpétuelle évolution et voit dans le mouvement Maker une porte d’entrée essentielle pour la transmission des connaissances. Ses livres, « Construisez et programmez votre console de jeux open source » et « Datamania, le grand pillage de nos données personnelles », illustrent son engagement à rendre le numérique compréhensible et ludique pour tous. Actuellement plongé dans l’univers No Code, il envisage d’accompagner les TPE et les fonctionnaires dans l’utilisation de ces outils, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives dans le monde numérique.

Qui es-tu ?

Je suis Audric GUEIDAN. Je me définis en général comme médiateur numérique (car ça englobe l’aspect animation et formation, tout en ajoutant la question des enjeux liés au numérique), mais je suis aussi conférencier/auteur. Et je gère un espace de coworking à Cholet (à la fois toute la logistique du lieu, mais aussi la programmation événementielle). Et j’aime bien ajouter que je suis un bidouilleur.

Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a motivé à devenir animateur et formateur numérique ?

Initialement, je viens de l’audiovisuel. J’ai fait des études d’arts (Bac STI Arts Appliqués) puis de cinéma (Licence Art du spectacle – Cinéma). J’ai toujours été passionné par les images, le fait de raconter des histoires et j’ai toujours eu un rapport important avec l’Art. Rapidement, je me suis retrouvé à animer des ateliers vidéo, prise de vue, création stop motion. Comme j’ai travaillé près de 10 ans en centre de loisirs (comme animateur multimédia), j’ai continué à creuser cet aspect. Puis, j’ai eu des demandes en lien avec le numérique. J’ai en parallèle validé un Master 2 Pro ingénierie de la culture et de la communication – médiation des savoirs scientifiques, organisation d’espaces et d’événements culturels (c’est un titre à rallonge mais c’est au final très en accord avec ce que je fais au quotidien). Ensuite, je suis allé travailler dans le monde des médiathèques, avec des projets de mise en place de pôle jeux vidéo et également le lancement d’un FabLab mobile. C’est vraiment à cette période que j’ai pris conscience des disparités de connaissances en lien avec le numérique et les nouvelles technologies. J’ai ensuite navigué entre FabLab, bibliothèque et startup, en conservant toujours du temps pour mes projets personnels.

Quelle est ton approche pédagogique pour rendre accessibles des concepts complexes lors de tes formations ?

Le « Do it yourself » et le « Learning by doing » sont vraiment les deux concepts qui me parlent le plus. C’est comme ça que j’ai appris, c’est donc logique pour moi d’appliquer la même recette dans mes ateliers ou formations. Il faut manipuler pour comprendre et apprendre, si on reste sur de la théorie, l’impact est moindre. Et je pense que c’est aussi en lien avec ma personnalité. Je suis hyperactif, j’ai besoin de faire, de rater, de recommencer. Et après un nombre important d’essais, à partir du moment où j’ai ingéré assez de contenus, de ressources, je peux digérer toute cette connaissance puis la transmettre à ma manière à d’autres personnes autour de moi. C’est aussi à moi d’être en veille permanente, de me mettre à jour sur les nouveaux sujets, de voir aussi les besoins des publics que j’accompagne au quotidien (j’interviens maintenant surtout pour un public de bibliothécaires, de fonctionnaires et d’entrepreneurs).

Quels défis rencontres-tu dans ton travail de médiation numérique et comment les relèves-tu ?

Le défi majeur, c’est d’être à jour. Dans le numérique, tout va très vite, et si on ne fait pas de veille sur certains sujets tous les jours, on peut rapidement se retrouver largué. En ce moment, c’est l’IA, le nouveau sujet, et ça avance à une vitesse assez extraordinaire (et flippante, diraient certains). Il faut tout de même choisir des sujets, des thématiques, car il n’est pas possible de couvrir tous les champs existants (en tout cas sur les enjeux numériques). L’open source, la protection des données personnelles, le numérique responsable (l’empreinte environnementale du numérique), maintenant l’intelligence artificielle, il faut parfois choisir ses combats. Il paraît que « choisir, c’est renoncer ».

Comment décrirais-tu l’importance du mouvement Maker dans ton domaine ?

Si je regarde mon parcours depuis environ 15 ans, le fil rouge, c’est « la transmission » et le partage des connaissances. Le monde du libre et de l’open source a eu un impact très fort sur ma compréhension du monde (numérique mais pas seulement). Le mouvement Maker a été la porte d’entrée principale sur tous les sujets qui m’animent maintenant. Aussi bien dans mon travail et mes différentes expériences professionnelles que dans ma vie de tous les jours. C’est d’ailleurs le fondement d’Internet : le partage et la mise en relation/connexion. Donc, si à ma petite échelle, je peux contribuer (à la fois sur des projets, mais surtout sur l’humain – par de la sensibilisation, de l’évangélisation), je le fais avec grand plaisir. Je pense même que c’est ce qui m’anime au quotidien.

Quelles sont tes perspectives sur l’avenir de la fabrication numérique DIY et de la médiation des savoirs scientifiques ?

Il existera toujours des objets qui sortent d’une boîte, qu’on branche, et qui fonctionnent directement (mais sans avoir réellement la main dessus, sans savoir comment ils fonctionnent) et des « trucs » que nous devrons assembler nous-mêmes de A à Z, en suivant un tutoriel dans une autre langue. Et c’est important pour moi qu’on conserve ces deux possibilités (bien que la première soit encore la « norme » pour la majorité des gens). J’ai tout de même l’impression qu’il y a de plus en plus de personnes qui se posent des questions, qui cherchent à savoir comment ça fonctionne et pourquoi ça a été fait comme ça. On constate qu’il y a de plus en plus de monde dans les Repair Café, par exemple. L’aspect financier est évidemment à prendre en compte, mais les gens veulent faire durer dans le temps leurs objets. Alors si en plus c’est positif pour la planète, autant continuer dans ce sens. Mais il faudra toujours faire de la vulgarisation, présenter ces possibilités, montrer aux autres qu’on a le choix, car au final l’Humain a quand même la flemme, et quand il faut changer des habitudes parfois bien ancrées, c’est plus difficile. Et si je regarde ça d’un côté plus alarmiste (sociétal et écologique), je pense qu’on va de plus en plus avoir besoin de solutions Low Tech, de récupération et de bricolage.

Peux-tu nous donner un exemple de solution personnalisée que tu as développée pour répondre à un besoin spécifique d’une communauté numérique ?

Jusqu’à présent, je n’ai pas proposé de solution personnalisée clé en main. J’ai préféré montrer des possibilités, faire découvrir des outils (libres et open source), expliquer les possibilités techniques (liées à l’auto-hébergement, par exemple), et présenter des ressources locales. Ce qui revient très souvent, c’est la question du stockage des données et des informations. Mais je sais que plusieurs de mes clients ont pu découvrir tout un pan de l’écosystème numérique par ce biais. Ils ne s’étaient jamais dit qu’ils pouvaient stocker des fichiers ailleurs que sur les clouds de Google ou Microsoft, par exemple. Mais j’ai évolué sur cette question, et je vais prochainement pouvoir répondre à des demandes de ce type et créer des solutions personnalisées.

Comment envisages-tu l’évolution de la formation numérique et de l’échange de connaissances dans les espaces comme les médiathèques et les fablabs ?

On trouve de plus en plus de « numérique » dans les médiathèques, aussi bien des cours d’informatique que des ateliers plus ludiques (comme de la robotique, par exemple). Les bibliothécaires se rendent bien compte que la société évolue, que les habitudes changent et qu’une partie de la population est complètement déconnectée de tout ça. Or, l’une des missions des bibliothèques est bien de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs », le numérique étant évidemment compris là-dedans. Je vous invite à regarder le Manifeste de l’UNESCO sur la Bibliothèque Publique (je trouve d’ailleurs que la Charte des FabLab est très proche).
Côté FabLab, je pense que c’est surtout le lien avec les TPE et PME qu’il faut accentuer. Si on peut développer l’aspect « centre de connaissance / espace ressources » pour des entreprises, elles vont continuer d’essayer des choses, d’innover. Cela va aussi bien permettre aux employés / salariés de monter en compétence, mais aussi de découvrir d’autres sujets, de nouvelles façons de faire, et cela pourrait avoir un impact important aussi bien dans leur vie professionnelle que dans la vie de tous les jours. Je pense tout de même qu’il y a eu un « effet de mode » des FabLabs à un moment, et que certains projets n’ont pas duré dans le temps, ce qui a peut-être donné une image pas très crédible / solide à certains. Il faut donc trouver d’autres approches pour montrer le potentiel de ce type de lieu.

Quelles ont été tes principales motivations et inspirations pour écrire tes deux livres, « Construisez et programmez votre console de jeux open source » et « Datamania, le grand pillage de nos données personnelles » ?

Alors, pour mon premier livre « Construisez et programmez votre console de jeux open source », c’est venu d’un constat simple : personne n’en parlait ! Et comme j’étais actif dans ces deux univers, ça a été assez facile pour moi de faire le pont. À l’origine, je voulais uniquement parler de l’histoire de ces consoles-là, mais mon éditeur m’a tout de suite demandé d’ajouter des tutoriels. Et comme j’animais déjà des ateliers de conception de machines ou de bornes d’arcade, j’ai sauté sur l’occasion. En parallèle, j’étais en contact avec plusieurs développeurs donc là aussi ça m’a aidé à creuser le sujet. Mais il s’agit effectivement d’un sujet de niche.
Concernant « Datamania, le grand pillage de vos données personnelles », j’avais eu l’idée avant mon premier livre, mais je ne me sentais pas prêt à commencer par une BD. Et puis, j’ai eu besoin de faire le tour complet du sujet avant de me sentir légitime pour en parler sous ce format-là. Au final, je suis revenu à mes premiers amours (à savoir l’image et le fait de raconter des histoires), tout en abordant un sujet qui, là encore, n’avait pas été traité sous ce format-là. Il existe des livres techniques, des romans, des documentaires qui parlent de tout ça, mais rarement de manière ludique et accessible. Je voulais qu’un enfant de 10 ans, qu’une mère au foyer, qu’un artisan ou un senior puissent trouver des éléments de réponses clairs et compréhensibles (avec en plus une dose d’humour).

Quels sont tes projets actuels et futurs ?

Depuis une petite année, j’ai plongé dans l’univers No Code. C’est là aussi, au final, une suite logique de mon parcours. On est dans l’innovation technologique (avec la brique intelligence artificielle dessus), avec une grosse dose d’accessibilité, de possibilités pour le grand public (et les entreprises). On est face à de nouveaux outils d’émancipation numérique, et de la même manière que les FabLab et autres makerspaces te permettent de prototyper, de tester, de te faire accompagner par une communauté pour « faire des trucs » et bidouiller, les outils No Code te donnent la même possibilité (avec là aussi une communauté très bienveillante et hyper active en France notamment). On appelle d’ailleurs les No Codeurs des Makers, si ça n’est pas un signe 😉

Le futur projet, ça va donc être d’accompagner des TPE et des fonctionnaires sur ces sujets-là. Les outils No Code permettent de créer plein de choses, aussi bien des sites internet, des outils métiers sur mesure, des interfaces avec des automatisations pour gagner du temps et avoir accès rapidement à la bonne information. Adieu les fichiers Excel qui font mal aux yeux, bonjour les bases de données relationnelles ! C’est le nouveau sujet qui m’anime et j’ai encore un peu de travail devant moi avant d’être réellement prêt. Mais là aussi, il va falloir essayer et commencer à un moment.

Et puis, pourquoi ne pas parler de tout ça dans un nouvel ouvrage 😉

Jean-Marc Méléard
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