Portrait de Maker #137 : Yan Koch

Yan Koch, passionné de nature, utilise la technologie de scanning laser 3D pour capturer la géométrie fascinante des arbres. Sa réflexion lente et ses doutes alimentent sa créativité en explorant les accidents et les détails. Son objectif est de créer une base mondiale en 3D des arbres remarquables, sensibilisant le public et fournissant des données précises aux professionnels de l’environnement. Yan Koch offre une interprétation artistique unique de la beauté naturelle.

Qui es-tu ?

Je suis Yan Koch, originaire de Lorraine, et j’ai fait une partie de mes études à Nantes, puis j’y suis revenu pour y travailler. J’ai suivi un cursus technique en école d’ingénieurs à la base.

Comment es-tu tombé amoureux de la nature ? Qu’est-ce qui t’ fasciné ?

J’ai grandi à proximité directe d’une forêt en Moselle. J’ai toujours essayé de comprendre le mécanisme de la vie et trouve
fascinant de voir qu’une graine ou qu’un minuscule oeuf puisse contenir tous les éléments et les informations qui permettent à un arbre d’atteindre des dimensions aussi impressionnantes, ou à un papillon, dont la chenille ne s’est nourrie que d’une plante, de créer de telles couleurs.

Tu as étudié l’ingénierie et travaillé dans des entreprises avant de te lancer dans la création d’activités de scanning laser 3D. Comment es-tu arrivé à cette décision ?

J’ai en effet débuté comme ingénieur dans des entreprises de génie climatique et de froid industriel. J’avais remarqué que les projets dans l’existant (rénovation, modernisation) étaient toujours difficiles car les plans disponibles étaient obsolètes, ce qui générait de nombreux soucis lors des chantiers.

À cette époque, dans les années 2000, des scanners 3D existaient déjà mais étaient limités aux mondes de l’industrie lourde. J’ai donc décidé de monter une première activité de scanning avec pour but d’ouvrir cette technologie à un éventail plus large de bâtiments.

Comment as-tu commencé à scanner des arbres ? Pourquoi as-tu décidé de te concentrer spécifiquement sur les arbres ?

Mon premier arbre, je l’ai scanné un peu par hasard lors d’un scan de façade d’un château. J’ai remarqué que la qualité était plutôt bonne et que le nuage de points donnait un aspect un peu fantomatique à l’arbre. Cela a été le déclencheur.

Selon toi, qu’est-ce qui rend un arbre “remarquable” ? Pourquoi es-tu fasciné par la géométrie des arbres ?

Pour moi, remarquable ne signifie pas forcément imposant. Je recherche surtout les formes les plus tortueuses. C’est peut-être un peu le miroir de ce qui se passe dans ma tête… J’ai tendance à partir dans plein de directions, j’ai un esprit qui “marcotte”. Je suis, je pense, l’exact contraire de ce que le monde actuel veut.

Les investisseurs veulent des sapins : ça pousse vite, droit, haut, ça se multiplie rapidement et inonde le marché. Moi, j’aime les branches qui partent dans des directions a priori incohérentes, et ce n’est qu’après des décennies qu’on comprend le processus.

Quelle est la technologie utilisée pour réaliser les numérisations laser 3D des arbres ?

J’utilise un scanner 3D de géomètre. C’est un appareil sur trépied qui effectue une rotation et balaye l’environnement avec un petit faisceau laser. Ce dernier se réfléchit sur une surface et revient vers le scanner, qui calcule la position de chaque point.

En une rotation de quelques minutes, on peut capturer des dizaines de millions de points.

En quoi les nuages de points 3D des arbres te permettent-ils de stimuler ta créativité ? Comment utilises-tu ces visuels pour générer de nouvelles idées ?

En fait, à partir d’un seul arbre, je peux générer une infinité de visuels, car la 3D dans le nuage de points me permet de me placer où bon me semble, de jouer sur des effets de transparence et de colorisation.

Sur certaines images qui représentent de façon assez évidente l’arbre, je maîtrise mon sujet et mes réglages.

En revanche, j’obtiens aussi pas mal d’images par accident. C’est le cas des images colorées ou prises sous des angles insolites. Chaque accident devient une source de création. Ce qu’il y a de bien, c’est qu’on n’en fait jamais le tour.

Comment les traits de personnalité qui te caractérisent, à savoir une réflexion lente et des doutes, ont-ils eu un impact sur ton travail en tant que Maker ?

C’est plus qu’un impact : si je n’avais pas ces traits de personnalité, je n’aurais pas pu être Maker.

Je pense que les personnes qui ne s’embarrassent pas de détails et qui vont toujours à l’essentiel, et qu’on considère
comme brillantes, ne peuvent pas se lancer dans ce genre de travail. Il faut accepter de faire et de défaire des dizaines de fois, se dire que ce ne sera probablement pas vendeur.

Être à la recherche du beau nécessite du temps et se déconnecter de la notion d’argent.

Comment ton intérêt pour les formes géométriques qui se retrouvent dans les plus petits organismes et dans l’infiniment grand se manifeste-t-il dans ton travail en tant que Maker ?

J’ai l’impression qu’on vit dans une gigantesque fractale, où tout se répète. Que l’on utilise un microscope ou un télescope, on y trouve des similitudes. Je me demande souvent si, par le biais d’un “accident” sur l’une de mes images, je ne vais pas réussir
à percer un mystère. Je crois que c’est en fait cela le moteur. Une sorte de Graal.

Quel est le but de la création d’une base mondiale en 3 dimensions des arbres remarquables et comment sera-t-elle accessible au public ?

Il y a deux objectifs avec cette base.

Le premier est de sensibiliser le grand public en lui permettant de voir ce que la nature peut créer, et de l’inciter à préserver ce patrimoine.

Le second est de rendre ces captures 3D accessibles à des professionnels de l’environnement, car toutes les dimensions sont accessibles avec une précision de quelques millimètres.

Jean-Marc Méléard
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