Portrait de Maker #130 : Patrice « Pit » Hubert

Patrice « Pit » Hubert, artiste et collectionneur d’art contemporain français, a co-fondé et dirige avec sa compagne Manu Van H le Naia Museum, un musée d’art contemporain situé à Rochefort-en-Terre en France. Ouvert en 2015, le musée se concentre sur l’exposition de l’art contemporain, en mettant particulièrement en avant l’art visionnaire et l’art outsider. Outre son rôle de direction au sein du musée, il a également présenté ses propres œuvres lors d’expositions à travers la France et à l’étranger.

Qui es-tu ?

Vaste question, à la fois philosophique et prosaïque ! Je m’appelle Patrice Hubert, je suis né à Rennes et je vis maintenant à côté de Rochefort-en-Terre, dans le Morbihan. Dans mon nom d’artiste je fais apparaître mon surnom « Pit ». Un ami me surnommait ainsi quand j’ai quitté Bruxelles pour me réinstaller en Bretagne, ce surnom s’est institué.

Comment décrirais-tu ton parcours artistique jusqu’à aujourd’hui, en particulier comment tu es devenu sculpteur et comment tu as développé ton style unique avec l’acier ?

Je suis un artiste autodidacte, j’ai eu l’envie et le désir de m’exprimer dès mon plus jeune âge, d’abord en peinture entre mes 15 et 20 ans puis en modelage et en sculpture. Je me suis rapproché d’ateliers professionnels, d’abord en Belgique dans la restauration de sculptures religieuses. En parallèle je développais une série de modelages, moulages et tirages en résine sur la thématique de la monstruosité : les « freaks » se sont vendus en milliers d’exemplaires.

De retour en Bretagne j’ai travaillé plusieurs années comme concepteur sur des grands volumes textiles pour évènementiels, concerts, méga show, théâtre, musée, mode… ce qui m’a permis de voyager à travers le monde sur des grands évènements et de fabriquer des œuvres pour des artistes internationaux.

En 2003, un peu lassé par cette vie qui m’éloignait de chez moi, de ma famille, de mes amis, j’ai eu le désir de revenir à mes propres créations et de commencer, sans aucune formation de soudeur, le travail de l’acier. Le fait de me former moi-même m’a permis de trouver mes propres techniques et astuces qui continuent d’intriguer les puristes de la profession.

Qu’est-ce qui t’inspire à travailler avec ce matériau et comment l’as-tu intégré dans ton imaginaire artistique ?

J’ai recherché dans mes propres composantes et le résultat était que je voulais fusionner, dans la forme, l’agressivité et la douceur, le masculin et le féminin, le fer et le verre, le mouvement et la lumière. J’ai donc commencé cette série de sculptures appelée « Kinetic mecaniK » avec le souhait de créer cet équilibre via des courbes incertaines. Depuis 20 ans cette année je prolonge cette série.

Tu te définis par l’équation «1661235» ou la quatrième dimension. Peux-tu expliquer ce que cela signifie ?

(rires) c’est peut-être une référence à la série britannique The Prisoner de Patrick Mc Goohan, une série visionnaire, psychédélique et paranoïaque dans laquelle le protagoniste, enfermé sur une île, est catégorisé comme le « numéro 6 »… ce qu’il réfute, se déclarant libre envers et contre tout. Cette suite de chiffres est le début de mon numéro de sécurité sociale…

Comment cela se reflète-t-il dans ton travail artistique ?

Les nombres sont importants dans la recherche d’harmonie au cœur de mon travail. D’abord sur les proportions, consciemment ou non on peut y trouver la suite de Fibonacci, le nombre d’or…

Où puises-tu l’inspiration pour créer tes œuvres, quelles sont tes références ?

Souvent dans la courbe naturelle d’une feuille dans la nature, ou bien dans la forme d’une branche qui m’inspire. Le travail d’artistes faces auquel je me sens tout petit me stimule beaucoup. Enfant, j’ai été bercé par le magazine « Métal Hurlant » qui présentait des artistes comme Druillet, Moebius, Giger… Ces derniers m’ont accompagné dans mon parcours artistique.

D’autres artistes m’inspirent également, plus anciens, venus du symbolisme du XIXème siècle, puis Guimard, Horta, Gaudi, Lalique… Il me semble que tout est lié : les artistes du fantastique des années 70 se nourrissaient des anciens. Puis eux-
même ont vieilli, leur style aussi mais l’essence est restée. La création de mon musée est la traduction physique de mes inspirations passées et actuelles.

Comment est né l’idée d’ouvrir le Naia Museum, un musée consacré à l’art fantastique et visionnaire à Rochefort-en-Terre en 2015 ?

La création du Naia Museum découle en premier lieu d’un hasard total : c’était une proposition de la mairie de Rochefort-en-Terre suite à une exposition chez des amis qui tiennent une salle de concerts sur la commune. Jamais je n’avais pensé ouvrir un tel lieu… mais les locaux (le château de Rochefort-en-Terre, dont les parties les plus anciennes datent du XIIIème siècle) étaient tellement inspirants !

Et puis c’était le moment idéal dans ma vie d’artiste. Un moment où plusieurs lieux alternatifs fermaient, non soutenus par leur mairie comme le Totem de Nancy… En bref, un alignement de planètes opportun. Le projet à été validé rapidement par la mairie, le temps de réunir une collection riche de 40 premiers artistes. J’avais une scénographie en tête. Deux mois et demi
après, c’était l’ouverture.

Il me semble que la scène artistique fantastique est sous-représentée. Pourtant, elle parle au plus grand nombre et fait partie de la culture populaire. Elle est présente dans les jeux vidéo, les films, la littérature mais peu présente dans les lieux d’expositions lorsqu’il s’agit des arts visuels. Nous sommes les seuls en France et peut-être en Europe à proposer des expositions pérennes présentant les courants fantastiques et visionnaires.

Le Naia Museum compte maintenant plus de 100 artistes et nous sommes fiers de constater que la fréquentation du musée augmente chaque année.

Quels types d’œuvres artistiques peut-on retrouver au Naïa Museum et quels sont les thèmes et les styles artistiques que vous privilégiez et pourquoi ?

Nous présentons aujourd’hui près de 300 œuvres d’une grande qualité plastique et qui explorent des media très variés : sculpture, peinture, dessin, photographie, vidéo, œuvres digitales et interactives…

Les arts de l’imaginaire ne sont pas un courant artistique à proprement parler mais représentent toute une série de mouvements souvent considérés comme « alternatifs » tels que le fantastique, la fantasy, le visionnaire, la science-fiction, le steampunk, le cyberpunk etc.

Comme je l’ai dit Naia Museum existe afin de mettre en avant ces courants traditionnellement peu représentés dans les
autres structures culturelles. À travers un parcours scénographique immersif et onirique, le visiteur est convié à se confronter au merveilleux, à l’étrange, à l’inattendu. Il est invité à ressentir et à laisser parler ses émotions.

Nous sommes convaincus qu’il est essentiel que des lieux comme le Naia Museum soient vus et parcourus par le plus grand nombre. Il est urgent de stimuler notre imagination et de découvrir de nouvelles formes d’art et de créativité..

La saison du Naia Museum vient d’être lancée. Quelles sont les nouveautés ?

Chaque année au mois de mars le musée fait peau neuve. Cette année, nous intégrons dix nouveaux artistes, émergents et reconnus. Nous renouvelons également beaucoup d’œuvres parmi les artistes déjà présents au Naia.

De même, nous avons une mise à jour de la structure interactive en son et lumière Snsonik. Nous y avons ajouté six nouvelles boucles musicales, afin de pousser toujours plus loin l’expérience sensorielle présentée dans les souterrains du Naia Museum. Plusieurs travaux d’aménagement ont été réalisés, principalement dans la première salle du musée. Cela a représenté cinq semaines de travaux.

Il est important pour nous de remanier le musée tous les ans, afin que le public puisse revenir et découvrir à chaque visite de
nouvelles œuvres et surtout pour nous de ne pas s’ennuyer.

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

Je travaille actuellement sur plusieurs projets. Beaucoup de commandes sont en attente car je me suis récemment consacré intégralement à la préparation de la nouvelle saison du Naia Musem.

Aujourd’hui, je travaille en priorité sur la plus grande sculpture que j’ai jamais réalisée. À sa base sera placée une
structure interactive pyramidale, lumineuse et sonore, conçue en partenariat avec le collectif d’artistes Snsitiv, sur le même modèle que la Snsonik du Naia Museum.

Cette pyramide interactive sera surmontée d’une structure cinétique en acier qui sera en mouvement et diffusera le son de la pyramide. Nous espérons pouvoir la présenter dès cet été sur différents festivals et expositions.

Jean-Marc Méléard
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