Portrait de Makers #68 : Yann Marchal

Dessinateur d’études industrielles de formation, bricoleur, Maker et fondateur de la Recyclerie Cycle² à Montoire sur le Loir, Yann Marchal est un passionné et une pointure dans le domaine de l’impression 3D. C’est aussi lui qui est à l’initiative du groupe Facebook « Makers contre le Covid » qui a permis à la communauté des Makers français, d’apporter un soutien dans la lutte contre le Covid19 en fabriquant divers objets et surtout des visières pour répondre à la pénurie de matériel médical.

Qui êtes-vous ?

Yann Marchal, 39 ans, marié, deux fils de 7 ans et 17 mois.

Bricoleur dans l’âme, j’ai dès mon plus jeune âge commencé à démonter mes jouets (et ceux des autres… pardons…) pour voir comment ils fonctionnaient.

J’ai participé à des clubs d’aéromodélisme et plus tard commencé une formation d’animateur chez « les petits débrouillards », club ou l’on découvre la science et la physique en s’amusant.

J’ai quitté les études en début de première et me suis formé à la conception industrielle par des formations pour adulte et une grande partie en autodidacte.

J’ai passé un bac STI mécanique en candidat libre tout en allant travailler à l’usine.

J’ai connu la grande précarité ce qui m’a amené à vouloir faire quelque chose pour aider les autres.

De formation dessinateur d’étude, j’ai travaillé dans divers domaines de conception, les machines spéciales pour l’élevage, le matériel de mesure de pression, l’agencement de magasin et la conception de prototypes de hautes technologies pour le traitement des déchets.

Dessinateur industriel et gérant de la Recyclerie Cycle² à Montoire sur le Loir, vous êtes très impliqué dans la communauté des Makers. Quel a été votre parcours et d’où vous vient cet intérêt pour les Makers ?

Entre deux emplois je me suis essayé à l’auto entrepreneuriat dans le domaine de la conception industrielle. C’est alors que j’ai eu l’idée d’acheter ma première imprimante 3D, nous étions alors aux balbutiements des imprimantes grand public (2013). J’ai donc commencé avec une Vertex K8200, certainement pas la plus simple ni la plus fiable,  mais à l’époque la plus abordable avec une capacité de 200x200x200 (le plus grand volume de l’époque me semble-t-il).

Je l’ai monté vis par vis, fait les soudures et les connections, téléversé le firmware… rien à voir avec les machines prémontré préprogrammé d’aujourd’hui.

Sa fiabilité laissant à désirer, je me suis rapidement tourné vers des forum pour en apprendre plus et l’améliorer. C’est là que j’ai découvert la communauté Makers, cet esprit d’entraide et de partage.

J’ai, bien plus tard, rejoint le VAN (Vendôme Atelier Numérique, hakerspace de Vendôme) dont je suis aujourd’hui le référent 3D.

Après une maladie qui a bien failli me couter la vie, j’ai voulu revenir à l’essentiel et mettre en adéquation mes convictions profondes et mon projet professionnel, je ne pouvais plus concevoir de machine pour l’industrialisation de l’élevage, de produits d’appel mercantile, ou d’instruments de mesure et pièces pour une utilisation guerrière (alimentations de missiles, manomètres pour sous-marins nucléaires…)

J’ai donc décidé de suivre l’idée que mon meilleur ami avait concrétisé dans le sud quelques mois avant, ouvrir une recyclerie en milieu rural, au plus proche de ces bénéficiaires, tout en faisant découvrir au plus grand nombre les capacités incroyables et applications sans limites de nos petites machines.

Pendant le confinement, vous avez créé le groupe Facebook « Makers contre le Covid » qui compte plus de 4500 membres. Comment vous est venu l’idée de créer ce groupe et dans quel but ?

L’idée m’est venue en partie grâce à une amie polyhandicapée qui, due à ces faiblesses et au discours alarmant de son médecin, a pris vraiment peur juste avant le confinement et m’a demandé si je ne pouvais pas faire quelque chose pour la protéger avec mes imprimantes. Je savais déjà, grâce à l’association Make Cœur créée par Marcel Friboulet et dont je fais partie, que la solidarité des Makers peut aller bien plus loin que dans l’entraide pour le bidouillage de nos machines. C’est pourquoi j’ai créé ce groupe, sans autre but au démarrage que de se tenir prêt à aider, un appel comme une bouteille à la mer. Le groupe a grandi de manière incroyable, en à peine quelques heures nous étions 200 puis 500 en moins de 24h. D’abord, puisque ça semblait l’urgence, l’idée de faire des masques est apparue, mais après réflexion approfondie, l’idée a été abandonnée. Sont venu ensuite les ouvres porte puis les visières avec la diffusion du modèle Prusa et là la fabrication à échelle industrielle a commencé. Les groupes départementaux sont nés et la distribution a pu commencer. Aujourd’hui, nous comptons avec les groupes locaux pas loin de 15 000 membres, semble-t-il, et nous avons produit environ 800 000 visières. Ces chiffres sont des estimations, car il est difficile d’avoir des nombres exacts.

Ce groupe est-il toujours actif ?

Ce groupe est toujours actif oui, mais semble en sommeil, les personnes sont retournées à leur vie avec le déconfinement et ils l’ont bien mérité vu le travail fournit pendant le dur de la crise. Sans avoir les chiffres exacts, je sais que plusieurs structures ou associations sont nées de cet élan fédérateur ce qui me rend vraiment heureux, car j’entrevois à travers cela un « monde de demain » bien plus solidaire autour de valeur humaniste et je suis persuadé que le groupe doit perdurer, car il sortira du sommeil au moindre besoin pour remettre le couvert si le besoin s’en faisait sentir.

L’association la Recyclerie Cycle² a pour but la réduction des déchets par le réemploi et les réparations, l’aide au retour à l’emploi, le maintien du lien social et le développement de la créativité. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce lieu et sur son fonctionnement ?

Le projet pourtant porteur peine à décoller par manque de soutien des décideurs locaux. Autant il est soutenu par la région (qui nous a gracieusement financé une extrudeuse à 3500 euros) et des structures nationales (France Tiers Lieu, Fondation de France), autant je suis encore dans l’attente d’un rendez-vous avec le président de la communauté de commune dont nous dépendons entre autres, mais qui devrait être fixé dans les mois à venir. Aujourd’hui nous disposons d’un local de 50m² ce qui est largement insuffisant par rapport à nos besoins et donc nous freine dans le développement du projet.

Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Avec Anthony Sedikki, président de l’association Visière Solidaire et le tiers lieu l’Hermitage qui abrite entre autres Fabricommun, nous sommes en train de créer un collectif pour promouvoir la fabrication distribuée de manière locale dans un esprit solidaire, mais je n’en dirais pas plus aujourd’hui, vous aurez bientôt de nos nouvelles…

Jean-Marc Méléard
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