Duo d’artistes aux compétences créatives, Éric Szerman et Camille Turlot expérimentent toutes les possibilités de l’art numérique au travers du projet N2U. Armés d’une imagination sans limites, et acharné de travail pour atteindre la perfection, les deux acolytes nous ouvrent les portes de leur laboratoire de curiosité le temps d’une interview exceptionnelle qui donne envie de découvrir, mais surtout de vivre l’expérience N2U.
Anthropomorphing 1 : « Project Prometheus » by N2U, a digital live performance from N2U on Vimeo.
Qui êtes-vous ?
Nous sommes N2U (www.n2uart.com) , un duo d’artistes numérique formé en 2016 par Éric Szerman (compositeur et metteur en scène) et Camille Turlot (performeur, vidéaste et auteur). Ensemble, nous explorons les différentes possibilités que nous offre la vidéo-projection par le biais de films (en prise réelle ou d’animation), d’installations, de sculptures vidéo, de performances, de vidéo-mapping et d’œuvres mixtes interactives et/ou participatives. Passionnés d’art contemporain, mais n’ayant pas fait d’école d’art, nous expérimentons avec les outils technologiques à notre disposition (vidéoprojecteurs, logiciels d’effets spéciaux, de montage, de modélisation 3D, de mapping, imprimantes 3D, capteurs 3D …), apprenant « sur le tas » grâce aux richesses pédagogiques des tutoriels proposés sur internet, dans une attitude Do It Yourself assumée avec fierté.
Quel a été votre parcours jusqu’à la création de N2U ?
N2U a été formé récemment, mais notre collaboration ne date pas d’hier. Pendant plus de 10 ans, nous avons oeuvré dans le monde du spectacle, écrit, composé, mis en scène et joué de nombreuses pièces musicales avec un certain succès. Nous avons notamment été lauréats de la bourse Beaumarchais-SACD, votés meilleur spectacle par le public du théâtre de la Licorne à Cannes, subventionné par la Région Île-de-France dans le cadre de la lutte contre la discrimination et amené à jouer au prestigieux théâtre de l’Oeuvre. En chemin, nous avons commencé à incorporer de la vidéo-projection dans la scénographie de nos spectacles, procédé dont nous sommes tombés amoureux. De cette période, nous avons gardé, maintenant que nous formons N2U, un goût certain pour la théâtralité, le tragi-comique, l’absurde, l’engagement politico-social, un sens de la narration dans nos œuvres et bien sûr la vidéo-projection.
Avec N2U, vous expérimentez toutes les possibilités de l’art numérique. D’où vous vient l’inspiration ?
Même si nos outils sont modernes et technologiques, nous nous sentons très proches de grands mouvements artistiques des années 30 à 60 comme les détournements d’objets et ready-made à la Duchamp, le surréalisme, le dadaïsme, l’art brut et l’Arte povera. Plus que leur technique, c’est leur état d’esprit, leur humour et leur façon d’envisager la technologie de l’époque, avec recul et ironie, qui nous inspirent le plus. Comme tout artiste, nous avons nos obsessions, comme les questions environnementales ou la critique sociale et politique du monde moderne, mais, quelle que soit la technique employée, le plus important reste toujours l’humour et la poésie. L’art numérique n’est qu’un moyen d’arriver à nos fins et une ressource potentiellement infinie.
Quel est votre processus de création pour passer de l’idée à l’oeuvre artistique ?
Nous avons une approche fondamentalement expérimentale. Notre première question est bien souvent: qu’est-ce que ça donne si on projette de la vidéo sur tel ou tel matériau? Parfois, ça ne donne rien. Mais quand ça marche, ça nous enthousiasme et très vite, une idée germe. Et nous avons une fâcheuse tendance à la pousser le plus loin possible. Par exemple, pour notre première installation « Ne pas regarder le soleil dans les yeux », nous avons au départ expérimenté de la projection vidéo à travers une passoire, par terre, tout simplement et nous avons fini avec une installation de 2m80 de haut avec une structure en PVC, un miroir et un planisphère, mappant chaque trou de la passoire pour raconter l’histoire d’un smiley face au réchauffement climatique. Nous arrivons en général assez loin de l’idée de départ, mais tant que nous ne sommes pas satisfaits, nous ne lâchons rien.
Que représente pour vous le mouvement des Makers ?
En vérité, ce n’est que récemment que nous avons appris ce qu’étaient les Makers, mais même sans en connaître le nom, nous étions déjà familiers et adeptes de la philosophie du Do It Yourself. Pour nous, ce mouvement représente donc une façon différente de penser et de se comporter, plus respectueuse de l’environnement en combattant par exemple l’obsolescence programmée, plus généreuse dans son approche du partage des savoirs et techniques en open source ou à travers des tutoriels. Dans notre pratique artistique, ce partage des savoirs est essentiel et nous ouvre les portes d’une liberté quasi illimitée. Il nous permet d’explorer des terrains inconnus sans peur et avec une seule certitude: tout est possible.
Vous considérez-vous comme des Makers ?
Spontanément, nous ne nous définirions pas forcément comme artistes Makers, mais de facto notre façon de travailler est clairement celle d’artistes Makers: créatifs, touche-à-tout, indépendants, expérimentant sans cesse et cherchant des solutions pratiques à portée de main. Notre démarche est par définition celle des Makers, donc, pourquoi pas?
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
En ce moment, nous réfléchissons à la notion d’art inclusif, c’est-à-dire à des oeuvres qui exigent et dépendent de la participation et de l’implication du public. Nous planchons donc actuellement sur deux projets d’installations, l’une interactive et l’autre participative. Dans Chiromancie, l’oeuvre interactive, les mains des visiteurs deviennent sources de lumière et créatrices d’images. Grâce à ses mains, le visiteur crée une véritable oeuvre d’art éphémère et tout un univers de lumière autour de lui dans une expérience très ludique et totalement immersive. Ecosystème, quant à lui, fait appel à une participation sur plusieurs niveaux. D’abord, en tant que projet écologique, il s’agit de recycler les biens collectés auprès de la population « sur place » en une multitude de sculptures vidéo donnant une oeuvre monumentale immersive. Ensuite, en « entrant » dans l’oeuvre, son corps devenant lui-même support de la vidéo-projection, le visiteur devient partie intégrante de celle-ci, prend part à l’écosystème. Enfin, il a également la possibilité de modifier lui-même l’écosystème en plaçant ou déplaçant un objet, impactant par ses actes l’équilibre fragile de l’oeuvre. Nous sommes très très excités par ces nouveaux projets extrêmement prometteurs.
Quelle est l’ambition pour N2U dans les mois à venir ?
Étant donné l’ampleur de nos nouveaux projets, leur réalisation est en soi une gageure. Et nous faisons tout pour être à la hauteur de cette ambition. C’est pourquoi nous cherchons à les développer en France, mais aussi à l’international, soit par le biais de résidences pour Ecosystème, soit en les proposant pour des festivals. Ces deux projets étant à la fois monumentaux et écologiquement responsables, car ne nécessitant au fond qu’un transport simple avec ce que nous avons dans nos valises, nous avons bon espoir de pouvoir les présenter rapidement et pourquoi pas à terme faire le tour du monde avec. Alors, n’hésitez pas à nous contacter si vous voulez en savoir plus.