Thibault et Adrien Masclet, les esprits créatifs derrière les emblématiques Manèges Masclet et le visionnaire Grand Huit à Rennes, partagent une passion profonde pour la préservation et la création du patrimoine forain. Avec des parcours allant de l’architecture à la conception et à l’électrotechnique, les frères apportent des compétences diversifiées à leurs projets collaboratifs. Leur enfance, immergée dans la culture foraine, a nourri leur amour des subtilités techniques du montage et du démontage des attractions. Alors que la collection de leur père regorge de joyaux historiques, dont un carrousel de 1880, Thibault et Adrien exploitent des technologies modernes telles que la modélisation 3D pour la restauration et la création de pièces sur mesure. Le mouvement Maker résonne en eux, mettant l’accent sur le partage des connaissances et l’idéation collaborative. Le Grand Huit, espace culturel évolutif, intègre de manière créative des éléments forains mobiles, promettant aux visiteurs des scénarios changeants. À mesure que le lieu devient un pôle d’expérimentation artistique et de rencontres interdisciplinaires, il envisage un espace d’atelier partagé et des résidences, favorisant la synergie entre diverses disciplines artistiques et artisanales. L’engagement des frères à revitaliser l’art forain tout en embrassant l’innovation positionne le Grand Huit comme une destination culturelle dynamique et tournée vers l’avenir.
Qui êtes-vous ?
Thibault Masclet, né à Rennes, 37 ans, après un bac ES, je me suis orienté vers un chemin artistique et créatif en entrant dans une école d’arts appliqués, Lisaa. J’en suis sorti en 2009 avec un diplôme d’architecture intérieure et design d’environnement.
Adrien Masclet, Rennais également, 35 ans, j’ai un BEP/BAC PRO électrotechnique (Lycée Saint Étienne, de Rennes) et j’ai continué à la suite de cela à La Flèche pour un BTS Domotique.
Pièces majeures des Manèges Masclet et à la tête du Grand Huit, le nouveau lieu incontournable à Rennes, vous travaillez ensemble depuis de nombreuses années. Quels sont vos parcours respectifs et quel est le secret de votre complicité fraternelle ?
Je pense que le secret de la complicité qui nous lie, c’est que nous avons des compétences complémentaires. Nous avons chacun besoin de l’autre pour avancer sur les différents projets, et nous nous enrichissons mutuellement de nos idées différentes. Nous partageons également les mêmes centres d’intérêt pour le « bricolage », les techniques de fabrication, la nouvelle technologie, les jeux et la création. Nous aimons passer du temps ensemble dans l’atelier.
Quels aspects spécifiques de la culture des Arts forains ont le plus marqué votre enfance et vous ont incité à suivre les traces de votre père dans la préservation et la création des manèges, contribuant ainsi à perpétuer la passion familiale pour le patrimoine forain ?
Nous sommes nés dans les manèges, et depuis tout petits, nous aidions notre père à les monter, démonter, charger, et décharger. Par la suite, en acquérant de nouvelles compétences, nous avons continué en l’aidant à les rénover : bois, peinture, métallerie, mécanique, électricité.
C’est avant tout cet aspect technique qui nous a marqués : comment ça marche ? Comment ça s’emboîte pour que cela se monte et démonte facilement ? Comment les transporter et adapter le chargement pour gagner du temps sur le montage ?
Par la suite, c’est la mise en scène qui nous a intéressés. La lumière fait partie intégrante des arts forains. Le but est que le spectateur soit toujours impressionné par les « monuments éphémères », et la scénographie joue un rôle majeur pour se sentir bien dans l’espace et que chaque pièce trouve sa place dans les lieux où nous allons. Nous sommes conscients que certaines pièces ont plus de 100 ans et, pour certaines, sont très fragiles voire abîmées. Ce qui nous tient à cœur, c’est de leur redonner vie.
Quelles compétences avez-vous développé pour mener à bien cet engagement ?
Il y a, à l’origine, des compétences techniques liées à la rénovation, nous sommes autodidactes et nous nous sommes formés sur le tas. Nous nous formons également grâce à des rencontres avec des retraités passionnés qui viennent nous aider et partagent leur savoir-faire, comme la soudure et la mécanique.
Mes études à Lisaa m’ont permis d’utiliser des logiciels de dessin technique et de modélisation 3D. Au fur et à mesure que nous rénovons chaque manège, nous le dessinons en 3D sur l’ordinateur. C’est une grande aide technique pour la rénovation et la fabrication de pièces perdues ou abîmées. Cela nous aide aussi pour les dossiers de présentation en intégrant nos manèges sur de futurs lieux pour nous projeter.
Les Manèges Masclet jouissent d’une réputation notoire pour abriter l’une des plus belles collections d’arts forains. Auriez-vous une estimation du nombre de pièces que compte cette collection, et pourriez-vous nous indiquer l’année de fabrication de votre plus ancien manège ?
Actuellement, nous n’avons pas d’inventaire précis de tout ce que notre père récupère tous les jours. Nous allons pouvoir le faire en amenant les pièces petit à petit au Grand Huit. C’est une passion dévorante de notre père ; il ne connaît pas lui-même le nombre d’objets car ce n’est pas la quantité qui l’intéresse, mais plutôt l’histoire de l’objet et les rencontres qu’il fait. Il peut vous parler du moindre objet, même une pièce détachée qui peut paraître à première vue anodine : son utilité sur l’objet, sa construction, etc.
Le manège le plus ancien est un manège de chevaux de bois qui date de 1880. C’est un manège complet, et nous comptons bien le remonter un jour au Grand Huit. Nous avons également un manège de Vélocipèdes qui date de l’exposition universelle de Paris de 1889 et donc a le même âge que la Tour Eiffel. Ce n’est pas le plus ancien, mais il est devenu par la force du temps plus rare.
En quoi les nouvelles technologies enrichissent-elles vos activités de construction et de restauration d’art forain ? Pourriez-vous préciser les technologies utilisées et expliquer leurs applications spécifiques dans votre domaine ?
Que représente pour vous le mouvement Maker et quelle influence a-t-il sur votre approche créative ?
Suite à l’inauguration estivale, le Grand Huit accueille à nouveau le public pour les vacances de Noël. Quelles sont vos attentes et quelles seront les principales attractions ou événements à découvrir lors de cette réouverture hivernale ?
Après les vacances de Noël, l’ancien technicentre entrera dans une phase de réhabilitation avant de devenir un lieu alternatif durable dédié au partage des savoir-faire et à la rencontre interdisciplinaire. Comment Le Grand Huit envisage-t-il de tirer parti des compétences variées des métiers d’arts, notamment des mécaniciens, métalliers, soudeurs, pour favoriser une synergie créative au sein de son projet culturel ?
Comment comptez-vous intégrer les manèges en tant que moyen de voyage et de diffusion culturelle, et de quelle manière ces éléments mobiles seront-ils incorporés dans les futures programmations ?
Nous aimons le détournement, et parfois, nous utilisons des manèges, des stands, ou des décors autrement que leur fonction initiale. Nous avons transformé un ancien kiosque enfantin en comptoir de bar, un autre en une scène tournante. Notre grand parquet de bal est un ancien kiosque d’autos tamponneuses. Les anciennes roulottes d’habitation peuvent servir d’atelier et de bureaux.
Aussi, au Grand Huit, comme tout est mobile, en fonction de la programmation et de la saisonnalité, nous changerons constamment la scénographie. Nous avons la volonté que le spectateur découvre à chaque venue quelque chose de nouveau et reparte avec des étoiles plein les yeux !