Portrait de Maker #166 : Antoine Coubronne

Antoine Coubronne, designer industriel et artisan, est le créateur du studio Superlipopette, où il réinvente l’éco-conception à travers des objets modulables et uniques. Après un début de carrière à Barcelone au sein du studio DEAR, il revient en France pour donner vie à sa vision : créer des meubles et accessoires esthétiques, durables, et transformables. Inspiré par les jeux de construction de son enfance, Antoine fait de l’utilisateur un véritable acteur de son environnement. Sa dernière réalisation ? Les bancs de la zone Kiss & Cry pour les JO de Paris 2024, conçus avec des matériaux surcyclés. Aujourd’hui, Antoine recherche des éditeurs engagés pour diffuser ses créations responsables.

Qui es-tu ?

Je m’appelle Antoine Coubronne, je suis designer industriel, artisan et fondateur du studio Superlipopette.

Peux-tu nous parler de ton parcours en tant que designer industriel et artisan indépendant ? Qu’est-ce qui t’a amené à créer Superlipopette ?

Après mon diplôme de designer industriel (Strate, 2011), j’ai travaillé pendant deux ans pour le studio barcelonais DEAR, spécialisé dans le design d’espaces atypiques et immersifs ainsi que dans le design d’objets. Cette expérience m’a offert une grande liberté de création et m’a permis de collaborer directement avec les artisans chargés de concrétiser nos projets.

À mon retour en France, j’ai ressenti le besoin de créer mon propre univers. Superlipopette est né de cette envie de concevoir différemment : imaginer des objets modulables et écoresponsables, tout en alliant design industriel et artisanat. Créer Superlipopette, c’était aussi un moyen d’associer mes valeurs à mon métier.

 

 

L’éco-conception est au cœur de ton travail. Qu’est-ce qui t’a poussé à adopter cette approche, et comment influence-t-elle ton processus créatif ?

Depuis l’école, l’éco-conception a toujours été au centre de mes projets, notamment lors de mon diplôme qui portait sur l’obsolescence programmée. Concevoir un objet implique déjà de réfléchir à son impact, à son utilité et à sa consommation. Je privilégie des matériaux en fonction de leur provenance et de leur durabilité : recyclés, recyclables, locaux, compostables… Mes créations sont livrées démontées, faciles à assembler, et les chutes servent de calage pour mes luminaires. J’opte pour des finitions naturelles ou sans solvant, avec du bois issu de forêts françaises éco-certifiées, et j’aide mes clients à faire des choix plus responsables.

Tu conçois des objets modulables et uniques qui invitent l’utilisateur à devenir créateur. Comment cette philosophie s’est-elle développée dans ton travail ?

Depuis toujours, j’adore monter et démonter des choses. Enfant, fan de Lego, Mécano et maquettes, ce plaisir de bidouiller m’a donné le goût du détail et de la précision, même si aujourd’hui je dois souvent composer avec les contraintes de temps et de budget des clients.

Pour moi, la meilleure façon de créer un lien durable avec un objet, c’est de lui donner une beauté intemporelle, une utilité pratique et la capacité de s’adapter aux besoins changeants. C’est cette philosophie qui guide mes créations : des objets esthétiques, durables, fonctionnels et modulables, que l’utilisateur peut personnaliser au niveau de l’usage comme du style – un peu comme un Lego !

Quels sont les types d’objets que tu crées ? Y a-t-il des projets dont tu es particulièrement fier ou qui incarnent bien ta vision du design ?

Je crée des objets de décoration et du mobilier que j’aimerais posséder moi-même, allant des objets du quotidien comme des supports pour ordinateurs, des bougeoirs et des luminaires, à des meubles plus imposants comme des bureaux et des solutions de rangement.

L’année dernière, j’ai fabriqué un système de caissons de rangement modulables à partir de meubles surcyclés pour Google. Au lieu de jeter leurs anciens tabourets en bois devenus encombrants, je les ai transformés en modules de rangement empilables pour (dé)construire leur propre espace en un clin d’œil. Ce projet représente bien l’ADN de Superlipopette, et je suis actuellement à la recherche d’un éditeur pour le diffuser.

Ton processus créatif va au-delà du dessin et de la modélisation 3D, puisque tu réalises toi-même les prototypes de tes créations. Quels avantages cela t’apporte-t-il au quotidien ?

J’aime aller jusqu’au prototype final d’un objet. Passer du croquis à la 3D, puis de l’ordinateur à l’atelier pour tenir l’objet entre les mains est extrêmement satisfaisant. Le « faire » fait partie intégrante du processus créatif. C’est en fabriquant que l’on constate les bons ou mauvais choix faits en amont de manière virtuelle. Cela représente aussi un gain de temps considérable : je vais directement de l’idée à la réalisation, en gardant un contact étroit avec l’objet.

Tu as conçu les bancs de la zone Kiss & Cry pour les Jeux Olympiques PARIS 2024. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet, l’inspiration derrière le design, le choix des matériaux, et l’impact qu’il a eu pour Superlipopette en termes de visibilité et de collaboration ?

Le banc Jo pour PARIS 2024 a été une aventure intense et rapide : seulement trois mois entre le brief et la livraison !

Je me suis inspiré des lignes épurées des équipements sportifs, notamment des agrès de gymnastique, pour leur simplicité fonctionnelle et leur beauté brute. Le banc utilise un assemblage à mi-bois, alliant praticité, robustesse et style sobre.

Le contreplaqué surcyclé s’est imposé comme matériau : flexible, rapide à travailler et largement présent dans les filières de revalorisation. Nous avons réutilisé des plaques imparfaites, puis appliqué les coloris imposés par le comité.

J’ai adoré collaborer avec l’ESAT ANAIS de Gennevilliers pour les coussins, contribuant ainsi à la réinsertion de travailleurs en situation de handicap.

Voir ces bancs à la télévision pour un événement mondial, c’est gratifiant ! Je recherche maintenant des éditeurs engagés pour diffuser mes créations.

Tu travailles à la fois avec des particuliers et des professionnels. Comment adaptes-tu tes créations à leurs besoins spécifiques ?

Avec les particuliers, c’est souvent un échange autour de leurs envies pour concevoir un objet qui les accompagnera longtemps. Pour les professionnels, j’apporte aussi une solution à un problème spécifique, en fonction des contraintes de leur espace ou de leur activité. Dans les deux cas, l’échange est essentiel pour que la création réponde parfaitement aux besoins.

Quels sont les projets en cours ou à venir pour Superlipopette ? As-tu des objectifs ou des innovations particulières que tu aimerais explorer ?

Je suis en pleine recherche d’éditeurs responsables et français pour commercialiser certains de mes objets. J’aimerais aussi explorer de nouveaux matériaux écoresponsables et continuer d’innover dans la modularité.

L’idée que l’utilisateur devienne créateur fait partie intégrante de tes objets. Comment vois-tu cette interaction évoluer à l’avenir, et quel rôle cela joue-t-il dans la transformation des espaces de vie et de travail ?

À l’avenir, je vois les utilisateurs encore plus impliqués dans l’évolution de leur environnement. Que ce soit dans un bureau ou à domicile, la possibilité de moduler et d’adapter ses meubles rend chaque espace plus personnel et fonctionnel. Cela permet de créer un environnement qui évolue en fonction des besoins.

En tant que designer écoresponsable, quelles sont, selon toi, les principales tendances ou évolutions dans ton domaine aujourd’hui ?

Les tendances se tournent vraiment vers la durabilité, la transparence sur les matériaux et la fabrication locale. De plus en plus de gens comprennent l’impact de leurs choix de consommation, et c’est gratifiant de constater que les valeurs d’écoresponsabilité et de durabilité sont au cœur des projets de design actuels.

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la création d’objets éco-conçus et modulables comme les tiens ?

Je lui conseillerais de rester fidèle à ses valeurs. Ce type de design demande de la patience, car il faut bien connaître les matériaux, les procédés de fabrication et comprendre les besoins des utilisateurs. Mais cela en vaut la peine : chaque objet éco-conçu est une petite contribution à un monde plus responsable.

Jean-Marc Méléard
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