Fabien Chouteau est ingénieur logiciel chez AdaCore et fondateur de Wee Noise Makers. Fasciné par l’informatique depuis l’adolescence, il a développé une passion pour l’électronique grâce à son frère qui l’a initié aux jeux vidéo et à la modification de jeux. Son parcours, débuté à l’EPITA, l’a conduit à rejoindre AdaCore où il a élargi son champ d’action, passant de l’ingénierie logicielle à la promotion du langage de programmation Ada et à la création de projets open-source. Avec Wee Noise Makers, il concrétise sa vision d’instruments de musique accessibles à tous, combinant son expertise technique avec une démarche créative et inclusive.
Qui es-tu ?
Je m’appelle Fabien, je suis ingénieur logiciel embarqué et responsable du marketing technique chez AdaCore. Je suis aussi le créateur de Wee Noise Makers, une petite entreprise de conception et de fabrication de gadgets open-source.
Peux-tu nous raconter ton parcours depuis l’EPITA jusqu’à ton poste actuel chez AdaCore et la création de Wee Noise Makers, en nous expliquant d’où te vient cet intérêt pour l’électronique et l’informatique, et comment tu en es venu à fabriquer tes propres synthétiseurs ?
Mon intérêt pour l’informatique a commencé avec les jeux vidéo, comme beaucoup de gens de ma génération, je pense. Vers mes 16 ans, mon grand frère m’a montré qu’il était possible de modifier les jeux, de créer de nouvelles cartes en 3D, et d’écrire des scripts pour les rendre interactives. C’était une révélation pour moi, et au moment de choisir mes études, je me suis naturellement dirigé vers l’informatique.
En 2005, je suis entré à l’EPITA (Paris) pour cinq ans d’études. J’ai énormément apprécié cette école pour sa formation très orientée sur la technique et l’application concrète des connaissances.
En 2010, j’ai rejoint AdaCore pour un stage de fin d’études, à la suite duquel j’ai été embauché dans l’équipe de logiciel temps réel embarqué. Depuis cette date, mon rôle au sein d’AdaCore a beaucoup évolué. J’ai d’abord commencé à m’intéresser à la promotion du langage de programmation Ada par la réalisation de projets ludiques et la publication de billets de blog. J’ai ensuite élargi le sujet vers l’utilisation d’Ada dans la communauté open-source. Ces activités ont été largement inspirées par le mouvement Makers, avec par exemple une compétition de programmation appelée « Make with Ada ». De fil en aiguille, je suis devenu responsable du marketing technique.
En parallèle, je passe une partie de mon temps libre à découvrir le mouvement Maker, l’électronique, la fabrication d’instruments, etc. Petit à petit, j’ai eu envie de partager mes créations, c’est pourquoi j’ai fondé Wee Noise Makers (petits faiseurs de bruit).
Peux-tu nous expliquer en quoi consiste Wee Noise Makers et quel est son objectif ?
Wee Noise Makers, c’est le nom que j’ai donné à ma petite entreprise de gadgets open-source. L’utilisation du mot « Makers » dans le nom n’est évidemment pas un hasard. Mon but est de créer des instruments de musique qui soient accessibles et modifiables par tous. L’open-source est trop peu présent dans le monde des instruments électroniques, j’apporte donc modestement ma contribution.
Quel a été le premier instrument que tu as fabriqué et quelles difficultés as-tu rencontrées lors de sa création ?
Mon premier instrument n’était pas du tout un synthétiseur. Il y a quelques années, j’ai commencé à apprendre un peu la guitare, et je me suis très vite tourné vers le côté technique. Le fonctionnement et la fabrication des amplis à lampes m’ont fasciné. J’en ai donc fait deux à partir de kits à monter soi-même, puis j’ai conçu et réalisé mon propre modèle, le Fireverb, que j’ai présenté à la Maker Faire Paris de 2015. Une des difficultés d’un projet d’amplis à lampes, c’est l’utilisation de tensions assez hautes (~300V) et donc dangereuses. Ne vous lancez pas dans ce genre de projet à la va-vite !
Quelles compétences sont nécessaires pour fabriquer un instrument ?
Pour mon dernier projet en date, le PGB-1, le son est créé par un logiciel avec des calculs, c’est ce qu’on appelle de la synthèse numérique. J’ai d’ailleurs fait un blog pour en expliquer les bases (en anglais). Les compétences sont donc très orientées vers la programmation et l’optimisation des calculs pour obtenir le plus de performance possible. Un de mes objectifs avec ce projet, c’est aussi de démocratiser la conception de synthétiseurs. Je fournis donc différentes options logicielles pour programmer soi-même le PGB-1, par exemple avec le support de CircuitPython et de ses modules SynthIO.
Mais ce qui est formidable avec les instruments de musique, c’est qu’on peut commencer bien plus simplement. Avec un bout de bois, une corde, une boîte de conserve et quelques clous, on peut fabriquer une guitare, disons rustique.
Que représente pour toi le mouvement Maker ?
C’est d’abord une grande source d’inspiration depuis des années. J’ai découvert ce mouvement sur YouTube avec des artisans comme Jimmy Diresta, Laura Kampf, ou encore David Picciuto, donc pas du tout sur le côté électronique.
Je crois que ça a fait un déclic en moi. Je suis “Maker” depuis tout petit, je l’avais juste un peu oublié pendant mes études. J’ai eu la chance de grandir dans un univers de bricoleurs. Par exemple, quand j’avais sept ans, mes parents ont construit une maison de A à Z avec l’aide de toute la famille. Concevoir, construire, fabriquer, c’est naturel pour moi.
Plus tard, j’ai découvert la partie “électronique” avec l’Arduino, bien sûr, Limor Fried et ses produits Adafruit, Simone Giertz, etc. J’ai commencé à m’inspirer de ces Makers dans mon travail et dans ma vie personnelle. Nous vivons une époque extraordinaire où chacun a accès à des tonnes d’outils (logiciels open-source) et de documentation pour concevoir et fabriquer à peu près n’importe quoi.
Actuellement en campagne de financement sur CrowdSupply, le PGB-1 est un synthétiseur, séquenceur et boîte à rythmes conçu pour les musiciens et les Makers. Quelles sont les spécifications techniques de cet instrument et quelles sont tes attentes avec cette campagne ?
La campagne de financement est maintenant terminée, mais le PGB-1 reste disponible en pré-commande sur CrowdSupply.
Le PGB-1 est basé sur le microcontrôleur RP2040 de Raspberry Pi. Ce n’est pas une puce très puissante, mais elle possède 2 CPU, ce qui permet quand même d’obtenir de super performances en synthèse audio. Au niveau des interfaces, le PGB-1 possède 30 boutons, 24 LED RGB, un écran OLED, un port USB, et des entrées et sorties audio et MIDI. C’est donc un gadget très complet pour réaliser toutes sortes de projets audio.
En ce qui concerne la campagne, le but était de collecter assez de commandes pour faire une production en petite série, ce qui permet de proposer un prix raisonnable. Je suis extrêmement fier d’avoir atteint cet objectif, et j’en profite pour remercier tous ceux qui ont soutenu le projet.
Quels sont tes projets futurs, tant personnels que professionnels ?
Au niveau de Wee Noise Makers, la prochaine grande étape après le succès du financement participatif, c’est la production du PGB-1. C’est une nouvelle expérience pour moi, donc j’ai beaucoup à apprendre. Du côté professionnel, je vais continuer à partager et transmettre ma passion pour le développement logiciel en Ada.
Y a-t-il de nouvelles technologies ou domaines que tu aimerais explorer dans tes prochains projets ?
Oui, il y en a beaucoup ! La principale difficulté est de trouver du temps à y consacrer. Je pense qu’après la production du PGB-1, je vais regarder du côté de la synthèse vidéo. C’est-à-dire la génération d’images et de visuels en direct pour accompagner une performance musicale.