Portrait de Maker #141 : Didier Herbreteau

Didier Herbreteau, expert en agilité et président de l’association AIR2, conjugue sa carrière de coach agile avec un engagement bénévole. Certifié en Kanban, coaching agile et Scrum Master, il applique ces méthodes pour promouvoir l’épanouissement au quotidien. Il considère l’agilité comme un outil essentiel pour accroître l’efficacité des projets. Président de l’association AIR2, il initie la jeunesse à l’informatique et à la robotique, réduisant ainsi la fracture numérique. Il aspire à intégrer les personnes autistes dans le domaine informatique. AIR2 organise en 2024 le Bot Fest Nantes et la finale nationale de la First Lego League France, stimulant la créativité et la coopération chez les adolescents.

Qui es-tu ?

Didier Herbreteau. J’ai 55 ans. Je suis coach agile dans un organisme de sécurité sociale et également président bénévole d’une association d’initiation à l’informatique et la robotique pour des jeunes, implantée dans le quartier prioritaire du Château à Rezé.

Comment ton parcours académique et professionnel t’a-t-il conduit à développer ton expertise en agilité, en particulier grâce à tes formations et certifications telles que Kanban, coaching agile et Scrum Master, et comment cette expertise se reflète-t-elle dans ton travail quotidien ?

Je suis arrivé dans le monde de l’informatique en 2003 en tant que manager d’une équipe d’intégrateurs. Avec l’apparition des premiers projets en Java, nous avons mis en place les prémices du Ci avec Ant, Hudson, maven. Puis les nouveaux projets en mode Scrum se sont généralisés dans ma structure en 2008.

En 2015, j’ai passé ma certification Scrum et accompagné plusieurs équipes.

En 2019, j’ai commencé mes certifications de coach agile tant IC Agile que SAFe et Kanban. L’approche agile s’intéresse beaucoup aux gens : que cela soit les utilisateurs avec les OKR mais surtout les équipes de réalisation avec un espace apprenant, un périmètre d’autogestion, une charge de travail soutenable et une reconnaissance de leurs compétences pour la prise de décision dans leur domaine. On retrouve des similitudes fortes avec les leviers d’auto-motivation décrit par Isaac Getz.

Dans mon travail quotidien, je m’applique donc à mettre en place ce contexte qui favorise l’épanouissement et le bien-être de mes collègues.

Quels sont les principaux avantages de l’approche agile dans le monde professionnel, et comment cela a-t-il évolué au fil des années ?

Le Chaos Report du Standish Group qui étudie périodiquement le fonctionnement de plus de 40 000 projets informatiques, révèle que 83% des projets ne sont pas délivrés dans les temps ou avec les fonctionnalités attendues par les utilisateurs. Or, le principe de l’agilité est de livrer rapidement des petites fonctionnalités.

En conséquence, les méthodes agiles permettent, en fonction de la taille des projets, d’être jusqu’à 4 fois plus efficaces en comparaison des méthodes de gestion de projets historiques comme le modèle en cascade.

Fort de ce constat, les méthodologies agiles se déploient partout avec, bien sûr, plus ou moins de réussite là où l’approche se contente de répliquer juste les rituels sans s’imprégner des valeurs.

Tu as travaillé sur des projets de grande envergure en tant que responsable d’équipe et chef de projets. Comment l’agilité a-t-elle été intégrée dans ces projets, et quels ont été les résultats ?

Cela s’est fait de manière progressive avec 1 seule équipe, puis plusieurs, puis l’intégration des niveaux de décision stratégique, tout cela en testant différentes organisations et modèle, y compris aussi en faisant des erreurs.

Le monde change beaucoup et les technologies aussi. Il faut donc continuellement se requestionner pour adapter les organisations et contourner les réticences aux changements des acteurs mais surtout lutter contre le besoin de productivité à tout prix des gouvernances.

Malgré tous ces cailloux rencontrés sur le chemin, nos équipes de réalisation n’imaginent pas revenir en arrière et abandonner les méthodologies agiles.

En tant que coach et formateur, quel conseil donnerais-tu à celles et ceux qui cherchent à adopter des méthodologies agiles dans leur entreprise ?

Outre, bien sûr, de se faire accompagner par des coachs agiles expérimentés en prestation, vous pouvez aussi découvrir et vous immerger dans la pensée agile lors de l’Agile Tour Nantes, les Podojo ou l’Agile Game Night organisés par l’association Agile Nantes et visionner les nombreuses vidéos de la chaîne Scrum Life sur YouTube.

En plus de ton travail professionnel, tu es également impliqué dans des activités bénévoles, notamment dans le domaine du handball et de la robotique. Peux-tu nous en dire plus sur ton engagement associatif et sportif ?

1. J’ai commencé le handball à 8 ans. J’y ai acquis des valeurs et également un peu de compétences techniques que je transmets aujourd’hui, humblement du mieux que je peux, en encadrant une équipe. Je suis plutôt dans la catégorie des coachs formateurs plutôt que dans celle des coachs compétitifs. Bizarrement, j’y applique les mêmes techniques qui ont fait leurs preuves dans le domaine agile professionnel, à savoir, la confiance, l’auto-gestion, l’apprentissage et la valorisation.
2. Pour la robotique, c’est plus récent. Comme beaucoup d’autres, mes enfants, à l’adolescence, étaient très consommateurs de numérique. J’ai créé l’association AIR2 pour leur permettre de découvrir l’envers du décor de l’informatique, qui est aussi un espace où l’on peut s’amuser à créer et apprendre. Bon, ils n’ont jamais participé aux activités. Mais l’association a été créée en 2015 et accueille aujourd’hui une quarantaine de jeunes.

Peux-tu nous en dire plus sur ton engagement en tant que président et animateur de l’association AIR2 ? Plus particulièrement, comment le projet pédagogique de l’association vise-t-il à élargir les horizons numériques des adolescents et à leur faire découvrir les différentes facettes des métiers de l’informatique et du numérique ?

Plusieurs constats militent pour développer ce type d’activités sur temps extra scolaire. Tout d’abord le taux de femmes dans les filières numériques est faible.

Quand nous faisons des ateliers, en libre accès, de découverte de la programmation aux pieds des immeubles du quartier du Château, nous avons 50% de jeunes filles âgées de 7 à 11 ans. Mais le ratio de jeunes filles participants de façon régulière à nos activités sur les tranches d’âge du collège chute à 10%.

Quasiment les mêmes chiffres sur la mixité sociale avec les jeunes issus de l’immigration alors que nous sommes pourtant implantés dans ce quartier prioritaire. L’orientation professionnelle se décide presque à l’entrée au Lycée. Il y a donc du travail à faire sur les années collèges, pour que les métiers de l’informatique entrent dans le champ des projets professionnels possibles pour ces jeunes.

Sur le contenu pédagogique nous avons 3 groupes :

Un premier groupe qui découvre, sur des séances de 2 heures tous les 15 jours, des outils et métiers du numérique en zappant d’une séance à l’autre entre Scratch, Mindstorm, AI2 Companion, processing, arduino, Phyton, WordPress, Gimp, Inkscape, adressage IP, impression 3D le tout avec des activités ludiques.

Un second groupe engagé dans une compétition de robotique, La First Lego League, qui vise à programmer un robot en lego technique (Mindstorm ou Spike) pour faire un maximum de missions. Cette compétition a aussi des valeurs inspirantes telles que la coopétition (compétition collaborative) de façon a ce que chaque équipe partage ses expériences et ses réussites.

Le troisième groupe est notre groupe Maker qui démonte des choses et, de temps en tant, arrive à en remonter. Des fois ces robots tombent en marche. On se focalise sur l’apprentissage et cela n’est pas trop grave si le résultat est « bizarre » ou incomplet, si des câbles fondent, ou des cartes arduino crament. L’ambiance est décontractée, ce groupe présente ses créations au Nantes Maker Campus.

Chaque occasion est ensuite prise pour mettre tous ces jeunes collégiens en situation de responsabilités que cela soit sur l’organisation, l’animation des ateliers pour les autres jeunes, les choix de projets du groupe.

Là encore on retrouve les valeurs agiles avec des jeunes motivés et impliqués. Pour une association de 40 bénéficiaires, nous avons un bureau de 14 personnes dont plus de la moitié sont des jeunes issus des activités et pour certains encore mineurs. Le problème des bénévoles ? Je ne connait pas !

Sur quoi travailles-tu actuellement et quels sont les projets à venir ?

Nous avons 2 axes de progression :

1. 1. Établir des ponts avec des structures périscolaires ou avec l’éducation nationale pour mettre à disposition notre matériel sur les périodes scolaires. Le réseau Canopé a fait un Mooc « Robotique éducative et persévérance scolaire » qui milite pour développer ce type d’atelier. Par ailleurs, je reste persuadé qu’une approche de l’informatique ludique comme la participation à un challenge, en fils rouge toute une année scolaire, contribuerait à améliorer le ratio homme/femme et cité/hors cité, dans les filières informatiques supérieures.
   2. Un autre axe que nous cherchons à développer est l’inclusion de personnes avec des troubles autistiques. D’abord parce que tous devraient pouvoir avoir accès à nos activités mais surtout parce que ce public, compte tenu de ses caractéristiques, et moyennant quelques aménagements, peut très bien s’intégrer professionnellement dans le domaine de l’informatique.

En 2024, deux événements importants auront lieu pour l’association AIR2 : le Bot Fest Nantes et la finale nationale de la First Lego League France qui se tiendra à Nantes.

Peux-tu nous expliquer en quoi consistent ces compétitions de robotique, et quel est le rôle de l’association AIR2 dans leur organisation ?

La First Lego League est une compétition internationale de robotique qui regroupe 350 000 participants de 11 à 16 ans dans le monde. Elle se déroule en 4 épreuves :

1. Une épreuve sur plateau où les robots, construits par des équipes à partir d’une brique Lego programmable Mindstorm EV3 ou Spike, doivent réaliser un maximum de missions et de points.
2. Une seconde épreuve, devant un jury, où l’équipe présente son robot et explique sa stratégie et le code de programmation.
3. Une troisième épreuve où l’équipe présente un projet d’innovation sur une thématique qui change tous les ans. Cette année le thème est chef-d’œuvre. Les équipes doivent donc rencontrer des professionnels artistes ou contributeurs, identifier une problématique, imaginer une solution, en faire un prototype, présenter et recueillir le feedback du prototype auprès de l’utilisateur. Le projet sera ensuite « pitché » en 5 minutes devant le jury.
4. La dernière épreuve est une mise en situation sous contrainte de temps permettant d’évaluer la manière de l’équipe de gérer de potentiels désaccords. Le jury évalue la dynamique et la cohésion de l’équipe.

Le Bot Fest Nantes est un évènement organisé par ADN Ouest qui aura lieu le 10 février 2024 à l’École Centrale de Nantes et qui regroupe :

1. La compétition régionale Ouest de la First Lego League.
2. Des ateliers Devoxx4Kids de découverte de la programmation pour les 8-12 ans.
3. La First Tech Challenge, une autre compétition de robotique à destination des filières STI2D et propulsée par le campus des métiers et qualifications design et industrie du futur.
4. Une compétition ouverte de mini robot Sumo orienté de façon a ce qu’il y ait un partage de compétences entre les participants expérimentés et débutants.
5. Des conférences sur la robotique animées par l’équipe du podcast Trench Tech – Esprits Critiques pour Tech Ethique
6. Une sensibilisation à la fresque du numérique.

Si c’est ADN Ouest, la plus grande association de professionnels du numérique de France qui chapeaute cet événement, j’en suis le chef de projet et je suis aidé par une soixantaine de bénévoles professionnels du numérique et étudiants de l’IUT de Nantes. Les jeunes bénévoles de AIR2 sont également fortement sollicités sur l’organisation et l’accompagnement des autres bénévoles.