Artiste sculpteur, François Lemaître est un créateur passionné par la mécanique et l’animation. Ses sculptures, qu’il nomme « Les fureurs », sont des allégories en mouvement, exprimant la transformation, la besogne, et parfois même la dérision. Inspiré par les Makers anciens tels que Léonard de Vinci, Albrecht Dürer, ou encore les découvreurs comme Copernic, Newton, ainsi que par les sujets qui l’interpellent, il transforme des matériaux divers en pièces animées, donnant vie à des histoires singulières. Actuellement, il travaille sur une représentation mécanique des solides de Platon et sculpte de nouveaux personnages pour une fabrique imaginaire. Passionné d’écriture également, il jongle entre textes théâtraux et création artistique.
Qui es tu ?
Un gars curieux du monde qui avance. Et quand il ne parcourt pas le monde, le gars ressent le besoin de hurler, de lâcher les chevaux et de raconter. Le bricolage et la bidouille sont un moyen de lâcher prise. Et quand il oublie le monde, alors le gars se laisse aller à faire ce qui le fait planer. Tout simplement.
Artiste sculpteur, tu te considères comme un constructeur d’histoire. Peux-tu nous raconter ton parcours et nous dire ce qui t’a poussé à te lancer dans cette pratique ?
En effet, la mécanique est un moyen formidable pour exprimer, rendre vivant et raconter. L’envie de montrer la transformation, de donner vie aux personnages et à ce à quoi ils participent, d’insuffler de la dérision ou de l’imprévu. Tout cela m’a naturellement conduit à expérimenter l’animation. Même si cela représente un défi pour moi car je n’y connais rien. J’utilise donc ce moyen pour traiter des sujets qui m’importent et qui me font marrer ou planer. Ancien artisan, je suis passé de la réalisation d’objets utiles à la réalisation d’objets qui racontent.
Que représente le mouvement Maker pour toi ?
Ouah ! Eh bien, c’est pour tout participant un magnifique espace de rencontres, d’échanges et d’inspiration.
Je vois ce mouvement avec des yeux d’enfant enthousiaste, curieux, avide et émerveillé par la diversité des sujets abordés, par l’immense variété des choix techniques et des moyens mis en œuvre. Ce mouvement célèbre le formidable élan de créativité de tous ces passionnés. Ouah !
Tes créations que tu nommes « Les fureurs » sont animées, remplies d’histoires, de rythmes et de musiques. Peux-tu nous décrire le processus de création d’une de tes sculptures animées, depuis l’idée initiale jusqu’à sa réalisation finale ?
Mes sculptures naissent toutes de l’irrépressible besoin de parler d’un truc qui m’interpelle. Alors, comment l’exprimer par une image qui envoie ; soit en le magnifiant, soit en le tournant à la dérision, à l’absurdité. Alors je fais des croquis, cherchant à épurer pour transcender le propos. Je définis ensuite les dimensions et réalise tous les schémas mécaniques. Pas d’improvisation. Je passe ensuite de la transcendance à la besogne téméraire… jusqu’à ce que l’affaire soit réglée.
Quels sont les matériaux que tu utilises le plus souvent dans tes créations et pourquoi les as-tu choisis ?
Eh bien, il m’est arrivé d’être artisan d’art travaillant le bois et le fer. Ils sont la charpente des structures. Pour le reste, c’est l’image que je projette de la pièce qui impose ses moyens de réalisation. Résine, carrelage, plexiglas, plastique, inox… Les personnages, s’ils sont animés, comportent un squelette soudé avec axes et charnières. De la débrouille en somme.
Quels sont les sujets qui t’inspirent le plus et comment les abordes-tu dans tes sculptures animées ?
J’ai deux sources d’inspiration. La première naît de mon regard posé sur des sujets qui me préoccupent et pour lesquels j’éprouve le besoin de les tourner en dérision : la voiture, le travail, la religion, la culture du corps, la spiritualité ou d’autres sujets.
Je suis également fasciné par les Makers anciens comme Léonard (De Vinci), Albrecht (Dürer), ou les découvreurs comme Copernic, Newton… Ces hommes m’ont amené à découvrir la beauté de la géométrie et des nombres. Nul en maths à l’école, je me surprends à extraire des racines carrées avec 3 chiffres après la virgule pour réaliser des choses comme le polyèdre de Dürer, une étoile tétraédrique, la pyramide de Chéops ou les solides de Platon. C’est dingue !
Peux-tu nous parler d’une de tes créations qui te tient particulièrement à cœur et nous expliquer son histoire ou son message ?
Je vais parler de celle qui a échappé à la règle du minimalisme. Celle qui évoque le travail en parlant du capitalisme qui est en train de détruire notre monde. Cette sculpture s’appelle « Graisse Lebien ».
Son histoire : En démontant des vieilles chignoles, j’utilisais les engrenages de renvoi d’angle. Contemplant le grumeau d’une dizaine de machines, je me mets à réfléchir sur ces beaux objets et je réalise qu’ils peuvent être mis en valeur pour ce qu’ils sont en les reliant les uns aux autres. Elles deviennent alors le moteur d’une usine, participant à la fabrication de ce dont elles sont remplies : de la graisse. Ainsi, « M. Lebien » s’impose comme le nom du fabricant, propriétaire et patron. Une fois la tâche terminée, l’entreprise des fabriques « Graisse Lebien » peut démarrer et prospérer !
Comment définirais-tu ton style artistique et en quoi penses-tu qu’il se distingue des autres formes d’art ?
Mon style est celui d’un bricoleur autodidacte et peut s’apparenter à l’art singulier, dont je suis friand. Mes bidules sont très figuratifs ; je les définis comme des allégories en mouvement. Ils ressemblent à de curieux jouets dans lesquels chacun peut trouver son interprétation. Ils se distinguent par le côté ludique de la manivelle pour accéder à l’animation et à ce que le bazar raconte.
Quel est le rôle de l’animation dans tes sculptures et comment cela contribue-t-il à exprimer l’essence de chaque œuvre ?
L’animation s’est rapidement imposée dès mes premières créations. Elle donne vie aux histoires, elle grince, fait du bruit. Pour moi, elle exprime selon la pièce, la transformation, la besogne, la valdingue, le vertige. Je l’utilise souvent comme un exhausteur d’absurdité. De plus, elle engage le manipulateur à faire partie de l’œuvre. C’est là pour moi une sublime source de jubilation.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Alors, j’ai deux chantiers en cours : je travaille depuis un moment sur une représentation mécanique des solides de Platon (qui sont des objets magnifiques), et puis je sculpte trois nouveaux ouvriers destinés à l’embauche pour une belle valdingue dans la fabrique de Mr Lebien qui gagne des marchés.
Quels sont tes projets et tes actualités pour les mois à venir ?
Aïe ! En parallèle des sculptures, j’écris des textes et des petites pièces de théâtre. Une autre façon de raconter. Ces occupations cumulées me font oublier de chercher à exposer mes créations et je n’ai pas de projet d’exposition pour le moment. C’est bien ballot !