Portrait de Maker #139 : Célia Guye

Célia Guye, diplômée de l’EESAB de Rennes et designer d’objets et d’espaces, s’investit au quotidien pour améliorer la qualité de vie en mariant son expertise en design avec les besoins liés au soin et au handicap. En tant que cofondatrice de Studio Stimuli, elle œuvre à la conception d’objets à la fois esthétiques et adaptés pour les personnes en situation de handicap. Son champ d’action comprend des projets variés, du design culinaire à l’impression 3D. En qualité de fabmanager au Labfab de l’EESAB de Rennes, elle se consacre à la formation des étudiants et du public aux technologies numériques. Ses projets futurs visent à intégrer l’art dans les établissements de gériatrie, offrant ainsi un accès à la culture malgré les contraintes de mobilité. Célia incarne la fusion entre l’art, la technologie et l’engagement social au cœur du domaine du design.

Qui es-tu ?

Portée par l’envie de participer à la transformation de notre société, je suis designer objet/espace engagée dans le milieu du soin et du handicap. Je suis aussi passionnée par le faire-ensemble et la pédagogie, je travaille parallèlement à mes activités de designer en tant que fabmanager à l’EESAB de Rennes.

crédits photographie : Alexandre Texier

 

Designer objet et espace, tu es diplômée de l’Ecole européenne supérieure d’art de Bretagne. Peux-tu nous parler de ton parcours académique en design à l’EESAB de Rennes et nous dire comment cela a influencé ton approche du design ?

Je suis rentrée en 2015 à l’EESAB de Rennes. Je me suis orientée dans la section design car j’avais le souhait de travailler sur l’amélioration des environnements et du quotidien des citoyens. A l’école des Beaux-Arts de Rennes, les enseignants nous accompagnent pour réaliser des projets les plus justes possible au niveau des besoins d’un lieu, d’usagers… Ce prisme de l’usage est essentiel dans l’idéation, la conception et la forme des projets.  L’étude du contexte dans lequel on travaille est une étape très importante. Cette approche m’a beaucoup nourrie.

Lors du master, nous devions mener chacun des projets personnels, propres à nos aspirations et engagements, au travers desquels nous devions trouver un terrain concret sur lequel intervenir ainsi que des partenaires extérieurs. Les enseignants nous poussaient vraiment à sortir de l’école et à aller par nous-mêmes à la rencontre de différents acteurs. Cet effort de monter son propre projet et de construire ses propres partenaires m’a donné des clés pour mon activité professionnelle par la suite.

La richesse de l’EESAB est aussi ses ateliers techniques bien équipés : menuiserie, atelier métal, forge, atelier céramique, laboratoire photo, fablab… Nous pouvions réaliser directement des prototypes à tester puis fabriquer les objets finaux avec l’aide des techniciens des différents ateliers. L’expérimentation directe des formes in situ est aussi une méthode que j’ai gardée dans ma pratique. C’est très concret.

En tant que Designer, tu as élaboré plusieurs projets autour de la préhension et de la mémoire. Quels sont-ils et et qu’est-ce qui t’a motivée à aborder ces problématiques en particulier ?

Je me suis intéressée au domaine du soin et du handicap grâce à une expérience de vie qui m’a beaucoup marquée : j’ai vécu mes trois premières années à Rennes dans une colocation où cohabitaient des étudiants en situations de handicap et des étudiants en situation de validité. En plus d’avoir tissé des liens forts avec mes colocataires, vivre ensemble a énormément nourri mon regard, de citoyenne et de designer. Il fallait faire attention à plusieurs détails du quotidien : aux aménagements d’espace par exemple pour qu’un fauteuil roulant puisse passer, ou réfléchir aux tâches quotidiennes possibles des uns et des autres pour organiser la vie ensemble. Lors de mes discussions avec mes colocataires, je me suis aperçue que le design pouvait avoir un vrai rôle dans la qualité de vie au quotidien de personnes porteuses de handicap.

Le sujet du fonctionnement de la mémoire me fascinait aussi beaucoup, notamment le lien entre mémoire et objet. J’ai commencé mon master en réalisant un projet de design culinaire pour des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer avec des ergothérapeutes et des animateurs en EHPAD. J’ai aussi eu la chance d’effectuer un stage dans un centre de rééducation afin de réaliser des aides techniques (objets compensant un handicap) en impression 3D sur-mesure pour des patients. J’ai adoré la relation et les collaborations que j’ai eues avec les ergothérapeutes et les patients, durant laquelle nous devions co-construire ensemble un objet répondant au mieux aux besoins du patient.

Le design a un vrai rôle dans le sentiment de dignité et d’inclusivité de l’utilisateur.

Engagée dans le Design for Care, les questions liées à cette thématique jouent un rôle essentiel dans ton travail et dans ta manière d’aborder le Design. Peux-tu nous parler du Studio Stimuli et des actions et projets qui en découlent ?

J’ai fondé en 2021 le collectif Studio Stimuli avec Eva Hardy, aussi designer engagée dans le milieu médical. La mission de ce collectif est de répondre aux besoins précis de chaque handicap/vulnérabilité, tout en concevant des objets esthétiques et dignes pour chaque personne grâce au design, à l’art et à la culture.

Nous menons divers projets de création d’objets du quotidien et d’installations artistiques et culturelles, prenant place dans les établissements Médico-Sociaux (centres de rééducation, EHPAD, USLD, unité Alzheimer…).

Nous intervenons au travers d’ateliers de design avec les usagers de ces lieux, ainsi que par des prestations et commandes pour des établissements ou des usagers ayant une envie de mettre en place un projet. Nous travaillons toujours en co-création avec le personnel médical, les patients, résidents etc.

Ton travail t’a également amené à réaliser divers projets de design d’objet et de scénographie. Quels sont-ils ?

Je poursuis actuellement le projet de design culinaire pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, où j’ai créé un kit de pâtisserie pour réaliser des plats adaptés et manger main pour la collation. J’élabore aussi des aides écriture en impression 3D pour les patients d’un centre de rééducation. Pour ce projet, je suis soutenue par La Fondation de France et la Fondation Allier via la Bourse Déclics Jeunes.

Aide-écriture / Aide-technique pour l’écriture, sur-mesure pour un patient ayant un handicap de la main / En collaboration avec Sophie Bessette, ergothérapeute  Impression 3D

 

J’ai aussi pu concevoir un matériel de rééducation pour une neuropsychologue qui accompagne des patients atteints d’héminégligence spatiale.

Exploration de la négligence / Plateaux de rééducation / En collaboration avec Anne-Virginie DUCASSE, neuropsychologue / multi-matériaux

 

Via Studio Stimuli, nous avons mené récemment des ateliers de design auprès de résidents en EHPAD et PASA ainsi que de professionnels de santé. Nous avons aussi participé à des hackathons de prototypages d’objets pour des personnes malvoyantes.

Enfin, nous diffusons notre travail au cours des conférences (ENSAB Rennes, EESAB Rennes…).

La fabrication numérique et le Design font bon ménage puisque tu occupes le poste de fabmanager au sein du Labfab de l’EESAB de Rennes. Quelles sont tes missions et comment votre programme d’accompagnement facilite-t-il l’accès des étudiants et du grand public aux machines à commande numérique, ainsi qu’à l’intégration des nouvelles technologies dans leurs projets personnels ?

En effet j’ai eu la possibilité de venir travailler là où j’ai fait mes études ! Au niveau des missions, je m’occupe des différentes machines du Labfab, je forme les étudiants et le public extérieur à l’école à l’utilisation des machines, je les accompagne aussi sur la réalisation de leurs projets (réalisation des fichiers 2D/3D, choix de matériaux et de la technique…).

Je suis aussi active dans les événements du réseau LABFAB de Rennes.

Nous avons la chance d’avoir un parc machines bien équipé, dont certaines machines ont des dimensions assez importantes (CNC, découpes laser), permettant aux usagers de pouvoir réaliser des objets à échelle 1. J’essaie de rendre les utilisateurs les plus autonomes possible, notamment sur l’utilisation des machines, afin qu’ils gagnent en compétences et puissent aller plus loin dans leurs projets.

Travaillant dans un Labfab en école d’art, j’ai l’habitude de faire beaucoup d’expérimentations et de tester divers matériaux par exemple. Les demandes, des étudiants aussi bien des personnes extérieures, peuvent être assez étonnantes parfois !

Le fait que le Labfab soit ouvert également une journée entière par semaine en OpenLab permet de proposer une vraie liberté pour les citoyens pour venir expérimenter et prototyper facilement leurs projets ou idées.

Quels sont tes projets futurs en tant que designer, et quels sont les thèmes ou les domaines qui t’intéressent particulièrement en ce moment ?

En ce moment, au travers de Studio Stimuli nous souhaitons développer des projets liés à la culture en milieu de gériatrie, afin de faire rentrer l’art dans ces établissements. Certains habitants de ces lieux ne peuvent plus se déplacer en centre d’art, visiter des expositions etc. Et sont donc éloignés des activités culturelles de leur ville. Nous souhaitons travailler sur des projets leur facilitant l’accès à l’art en EHPAD.

Jean-Marc Méléard
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