Portrait de Maker #114 : Arthur Baude

Designer et artiste indépendant Arthur Baude est un Maker aux multiples compétences. Créateurs de machines incroyables et développeur de projets au quotidien, Arthur fabrique des objets interactifs sur mesure, il apporte son expertise designer/Maker sur des ateliers d’innovation collective, donne des formations sur la fabrication numérique et la culture Maker et créé des installations d’art numérique et des objets interactifs open source. Son travail, son expérience et sa créativité font de lui un explorateur de l’image et un éleveur de machines à découvrir absolument.

Qui es-tu ?

Salut, ici Arthur Baude ! J’habite à Lyon, je suis designer et artiste indépendant.

Passionné par le design, la création artistique et la fabrication numérique, ton travail comporte plusieurs facettes qui font rêver (Explorateur de l’image, Éleveur de machines, Maker, Designer, Facilitateur, Formateur, Artiste). Peux-tu nous en dire davantage sur ton parcours, sur tes projets ?

Comme beaucoup de monde dans le milieu Maker, mon parcours est assez chaotique.

Pour faire court, j’ai commencé des études dans le multimédia, pour recommencer à zéro et finir dans le design graphique print. Mon diplôme en poche, je me suis senti limité par le design graphique, j’ai donc appris l’électronique interactive et la fabrication numérique en autodidacte.

En sortie d’études, j’ai rencontré 3 milieux différents qui ont énormément influencé mon travail : les squats artistiques avec le collectif La Main qui m’a accueilli en son sein, l’innovation collective avec l’entreprise nod-A dans laquelle je travaillais et la communauté Maker avec Le Petit Fablab de Paris dans lequel j’aimais bien traîner après le boulot.

Aujourd’hui mon travail rassemble tout cela. Et vu que ça fait beaucoup de choses, il me fallait inventer un “nom” qui évoque l’ensemble sans être trop alambiqué. Donc “explorateur de l’image” pour mes travaux sur tout ce qui touche à l’image fixe ou animée et “éleveur de machine” pour mes heures passées à bichonner mes Arduino en les suppliant de ne pas griller le jour de la livraison.

Concrètement je vais fabriquer des objets interactifs sur mesure, donner mon expertise designer/Maker sur des ateliers d’innovation collective, donner des formations autour des sujets que je maitrise et enfin créer des installations d’art numérique et des objets interactifs open source sur le temps qui me reste !

Comment es-tu devenu Maker, était-ce par nécessité ? Que représente cette communauté pour toi aujourd’hui ?

Je suis devenu Maker de manière assez improbable. Pendant mes études un enseignant m’a prêté un livre sur Arduino en pensant que ça me plairait. Et ce bouquin a changé ma vie ! Plus tard, je passais un entretien de stage pour travailler chez “nod-A” et on m’a dit “tu seras le Maker de l’entreprise”. Le soir même je cherchais la définition du mot parce que je n’avais jamais entendu parler de ce mouvement ! C’est en rencontrant Le Petit Fablab de Paris (qui était à l’époque hébergé dans les locaux de nod-A) que j’ai mieux cerné le mouvement.

Avec le collectif La Main, la communauté Maker est la seule qui m’ait accueilli à bras ouverts. Contrairement à beaucoup de communautés où sortir du cadre est mal vu, les profils Maker sont tellement hétéroclites qu’un bagage différent ne choque pas, bien au contraire.

Pour moi, cette communauté reste fondamentale, avec les notions d’expérimentation et de partage qu’elle véhicule. Il est fort dommage qu’elle soit parfois mal vue à l’extérieur, notamment à cause de certaines structures qui ont vendu une image très commerciale du mouvement alors que ce n’est pas le cas.

Le design est omniprésent dans ton travail. Que t’inspire cet univers pour créer… L’objet doit-il être beau ?

Le design est important pour moi avant tout par la méthode de travail qu’il inculque. Prototypage, itérations, utilisateur au centre du projet… Ce n’est pas pour rien si on nous vend du design thinking à tort et à travers. C’est un très bon outil de vulgarisation quand il est maîtrisé.

À la base, le projet du design est simplement de passer un moment agréable avec les différents objets et interfaces qui nous entourent. Si cela peut être tourné de manière très matérialiste (et c’est souvent le cas), on peut l’utiliser pour débloquer tout un tas de petits tracas du quotidien (et notamment pour des personnes âgées, en situation de handicap, etc.).

Pour moi la question du beau vient au second plan. Je vais plutôt chercher à faire une esthétique qui découle naturellement de la fonction de l’outil. Et si c’est bien fait, ce n’est à priori pas trop moche !

Les machines sont pour toi un territoire de jeu où le design, la créativité et la technicité font bloc (ex: le brumascope, le Khlorotrope…). Où puises-tu ton inspiration quand tu te lances dans de tels projets, quelles sont les étapes et les objectifs à atteindre ?

Ma manière de travailler mes pièces artistiques est assez particulière. Je suis indéniablement influencé par différentes esthétiques portées par la science-fiction des années 90-2000 et notamment le Cyberpunk avec ses immenses machines pleines de câbles. Lorsque je crée une machine, la réalisation se fait presque d’elle-même : j’ai une idée en tête (par exemple : matérialiser la lumière dans l’espace), je fais un ou plusieur prototype pour voir si la réalité suit mon intuition puis je laisse mariner dans ma tête plusieurs semaines, mois ou années. Une fois le projet mûr dans ma tête, je fais un vague croquis, je construis un prototype avec des matériaux accessibles puis je construis la machine finale pièce par pièce, sans jamais faire de plan d’ensemble. Une fois la machine terminée, elle a la forme qu’elle devait avoir, c’est “aussi simple” que cela !

Ma seule contrainte est que toute la technique de mes machines doit rester apparente. De cette manière que n’importe qui peut comprendre leur fonctionnement. On a trop tendance à présenter des objets ou des œuvres technologiques comme des boîtes noires. Il est très important pour moi que la technologie nous montre une forme de magie, mais que cette magie reste ouverte aux personnes qui veulent s’y initier.

Depuis 2016, tu conçois et donnes des formations sur la fabrication numérique et la culture Maker. À qui s’adressent ces formations et pourquoi selon-toi il est important de se former à ces nouvelles pratiques ?

À ce jour, je donne plusieurs formations différentes.

Je suis enseignant à l’école de design de Villefontaine (Isère), dans le DNMADe designer maker. Dans cette formation qui est une des nouvelles moutures des BTS Design, nous nous appliquons avec l’équipe enseignante à former les étudiants au prototypage, à l’électronique interactive et à la fabrication numérique d’une part et aux nouvelles interactions, à l’open source, la documentation et l’expérience utilisateur d’autre part. Cela nous permet de former des designers plus ouverts à des pratiques différentes et aux métiers qui gravitent dans les mêmes cercles qu’eux.

Je donne également des formations plus courtes, en partenariats avec L’IMT Atlantique, qui sont destinés à des personnes en recherche d’emploi (ou en réorientation) et qui donnent les bases de la fabrication numérique et de l’électronique interactive.

Enfin, je donne des workshops partout en France, là où on m’appelle. C’est un format que j’aime beaucoup !

Je pense qu’il est crucial de se former à ces nouvelles pratiques pour les mêmes raisons qui me poussent à montrer la technique dans mes machines. La technologie ne doit pas rester une sorte de magie noire dont le savoir est détenu par quelques élu.e.s.

Les outils numériques et utilisés en fablab ont grandement démocratisé plusieurs pratiques jusqu’à présent réservées à un cercle de métiers restreint. Comprendre la technologie qui nous entoure, savoir comment marchent nos objets, comment les entretenir, c’est reprendre le contrôle de ces outils et les façonner à notre manière.

Si tu devais acquérir une nouvelle compétence, qu’elle serait-elle et pourquoi ?

Difficile de parler d’une seule compétence mais mon top 3 (sans hiérarchie) est :

  • la couture, car c’est un formidable outil de création et de réparation
  • la modélisation 3D. Je maitrise très bien les basiques, mais il faudrait vraiment que je prenne le temps d’aller plus loin, notamment avec le paramétrique.
  • le dev web. J’ai longtemps laissé de côté le web parce que je n’aime pas l’intangible, mais tellement d’outils passent par le web maintenant qu’il est difficile de l’ignorer.

Ton projet le plus fou ?

J’ai beaucoup de projets fous en tête, mais pas le budget pour les réaliser !

Concernant les projets existants, Khlorotrope a été pour moi une succession de défis techniques et artistiques. Je continue de le bidouiller et de l’améliorer car c’est autant un instrument qu’une installation artistique. Je n’étais pas du tout certain d’arriver au bout de ce projet, c’est une grande fierté de l’avoir fait !

Tes projets à venir ?

Je n’en dévoilerai pas trop car tout est encore embryonnaire mais en vrac on pourrait dire : Une porte vers une autre dimension, un train vidéo, une scénographie laser et un outil de torture via l’algorithme (cette fois en collaboration avec un autre artiste).

Jean-Marc Méléard
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