Portrait de Makers #15 > Émilie Aizier

Passionnée par la gravure, et l’art, Émilie Aizier nous fait découvrir L’Atelier Kitchen Print au travers de la lithographie en mode cuisine. Adaptation simple, économique, rapide et non toxique de la lithographie, la « Kitchen Litho » est une méthode de lithographie accessible à tous. Découvrez sans plus attendre l’interview de cette artiste et auteure au talent fou !

– Qui êtes-vous ?

Émilie Aizier alias Émilion (nom d’artiste). Je suis née dans Les Vosges où j’ai fait mes études, précisément à l’École Supérieure d’Art de Lorraine à Épinal. Je dirige maintenant l’Atelier Kitchen Print (microentreprise).

– Comment en êtes-vous arrivé à la Lithographie ?

J’ai travaillé au Centre d’art graphique de la Métairie Bruyère dans l’Yonne. Ce centre est le siège de la maison d’édition d’art R.L.D. où tout est imprimé à l’ancienne. Les textes sont composés en typographie manuelle (plombs mobiles de Gutenberg), les images créées en gravure et/ou lithographie, le tout au service de grands artistes contemporains. Après une pratique de plusieurs années de la gravure en creux sur métal, c’est dans le cadre d’une formation interne que j’ai eu la chance d’apprendre la lithographie auprès d’un imprimeur professionnel.

– L’Atelier Kitchen Print est une maison d’édition de manuels, de livres et d’estampes qui a été fondée en 2011 par Émilion. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Tout est parti de la découverte du manuel sur la gravure non toxique d’Henrik Boegh traduit en français en 2008. J’ai découvert que je pouvais continuer à faire de la gravure. En effet à cette période j’étais rebutée par l’utilisation des produits dérivés du pétrole, essences et bitumes, car ils sapaient ma santé et mon plaisir de pratiquer la gravure. Je me suis prise à essayer ces techniques de gravure non toxique et aussi à en imaginer d’autres pour servir mes créations artistiques. Et puis un jour, je me suis penchée sur le cas de la lithographie. N’ayant aucun matériel à ce moment-là, j’ai entrepris des recherches et la Kitchen Litho est née en juin 2011.

Ce sont en fait mes techniques relatives à l’estampe que je partage dans mes manuels. Je suis actuellement en train de finir mes expérimentations pour un prochain livre, cette fois-ci sur la gravure mode « Kitchen ». Mon désir n’est pas de concurrencer les techniques professionnelles qui ont fait leurs preuves et ils ont des ateliers faits pour cela aussi. Je pense que la lithographie comme la gravure peut proposer des voies plus agréables et tenter le plus possible de se passer de matériels coûteux et de produits toxiques pour les artistes.
Mes manuels sont autoédités et imprimés en France par un établissement social de santé pour l’intégration par le travail, Esat Essor à Poitiers. Ma démarche est donc toute singulière et cette entreprise reste modeste bien qu’internationale, elle n’existerait pas sans l’appui de ma famille, du public et des amis passionnés de l’estampe. C’est en résumé le désir de soutenir en toute indépendance mon invention et de l’incarner pleinement qui m’a poussé à monter cette entreprise dont l’édition est l’activité principale. C’est à la demande que je donne en complément des stages maison et des interventions pour les écoles.
Pour finir, j’organise au nom de l’Atelier Kitchen Print, avec le soutien d’un jury composé de professionnels de l’estampe, un concours international de Kitchen lithographie. C’est en quelque sorte la partie collaborative de l’Atelier, car le concours est gratuit en échange du don d’un exemplaire, ce qui le met à la portée de tous.

– « Kitchen Litho » est le nom donné à une méthode de lithographie accessible à tous. En quoi consiste-t-elle ?

C’est une adaptation simple, économique, rapide et non toxique de la lithographie. En lieu et place de la pierre traditionnelle, je propose d’utiliser une feuille d’aluminium ménager (j’utilise aussi des plaques aluminium et des pierres bien sûr). J’ai remplacé l’essence de térébenthine par de l’huile de colza, l’acide nitrique ou phosphorique par du cola (le soda !)… D’où le nom « Kitchen », cuisine en français. J’ai aussi simplifié la technique en « zappant » des étapes qui ne me semblaient pas utiles pour moi. On peut imprimer plus de cent exemplaires avec cette technique (même avec une feuille d’aluminium comme matrice !). Mais ce n’est pas une technique à vocation industrielle, mais personnelle, voire intimiste. En général le but étant l’impression d’art limitée, numérotée et signée par l’artiste. On utilise aussi du papier et de l’encre de bonne qualité, car il s’agit d’offrir à l’acquéreur toutes ses chances de pérennité à l’œuvre. Tout cela contribue à la valeur de l’estampe (mot générique désignant toute impression d’art).

– Vous êtes l’auteure de plusieurs manuels consacrés à la Kitchen Litho, quels sont-ils, et que trouve-t-on à l’intérieur ?

Le premier manuel est consacré à la Kitchen Litho sur feuille aluminium ménager. J’y explique ma recette pas à pas. Les étapes pour la réalisation d’une estampe avec cette technique inédite. Il est illustré par des photos et des images des impressions. On y apprend entre autres la possibilité inédite de pouvoir écrire à la main à l’endroit et d’imprimer ce texte à l’endroit sur le papier (en général il faut dessiner à l’envers pour que ce soit imprimé à l’endroit…).  Le second manuel est dédié à cette méthode appliquée cette fois sur plaque rigide aluminium et sur pierre. On y découvre entre autres une astuce inédite de mon invention qui permet d’éviter l’étape fastidieuse du grainage (système permettant de réutiliser la même plaque ou pierre). Ces deux manuels sont dotés d’une préface de Maxime Préaud qui est artiste, conservateur à la Bibliothèque nationale de France et historien reconnu de l’estampe.

Le prochain manuel à venir sera dédié à l’initiation à la gravure en mode simple et non toxique afin d’aider à bien démarrer, mais aussi pour tenter de proposer quelques bonnes petites surprises pour les plus curieux, pouvant donner des alternatives dans le domaine du « non “ou ‘moins toxique. La ‘Kitchen’ c’est ma cuisine que je partage, c’est presque une école à elle toute seule même si j’aime enseigner en présentiel. Ce sont des techniques, mais pour ma part, elles sont aussi le reflet d’une sensibilité et d’une époque, une manière en somme de plus pour m’exprimer artistiquement.

Photos de F. G. à l’Atelier de Royère, 2017.
© AIZIER — ATELIER KITCHEN PRINT

Jean-Marc Méléard
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